Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :40– Les poèmes de Laurent Mourot-Faraut :40-2 :A jamais…

Laurent Mourot-Faraut

 

J’ai refait le chemin en arrière,

Sur des mots qui me désespèrent,

J’ai imaginé tes cheveux qui flottaient,

Dans le vent…

J’ai refait des prières,

Celles que tu n’avais pas entendues,

Puis je me suis mis à t’aimer,

Puis je me suis mis à pleurer,

Comme une absence,

Comme si le rêve devait être mon fruit défendu,

J’ai refait le chemin en arrière,

Sur les sommets du Finistère,

J’ai regardé la mer comme si elle m’avait appartenu,

J’ai regardé la mer en poussant d’une main ses nuages,

Je t’ai revu au loin, en train de marcher sur le sable,

J’ai même recroisé tes bateaux sombres et ivres,

J’ai effacé les blessures plutôt que d’effacer les guerres,

J’ai refait le chemin en arrière,

Celui où tu me parlais d’amour,

Celui où tu me parlais toujours,

De la mer et des rivières,

Puis, je me suis mis à t’aimer,

Puis à pleurer, encore,

Comme pour imaginer ton absence,

J’ai vu les rochers dépasser des vagues,

Et les vagues dépasser les rochers,

J’ai parlé ces jours là à l’éphémère,

Et l’éphémère m’a répondu,

De quoi veux-tu parler,

Dépêche toi, il est déjà trop tard…

J’ai refait le chemin en arrière,

J’ai vu une mouette posée sur une vague ou sur un rocher,

Elle battait des ailes pour refaire le monde,

Même si elle savait que cela ne servait à rien,

J’ai refait mes chemins de travers,

J’ai vu des vagues écraser les pierres et les pierres se défendre,

Puis, puis, j’ai croisé ton regard une dernière fois,

Une dernière fois j’ai refermé le livre,

Je me suis assis sur mes larmes,

Et, en serrant le livre contre mon âme,

Je me suis endormi… !

 

 

Comme tous les thèmes  abusivement  fréquents en poésie , celui de la rupture amoureuse pose pour le poète qui se respecte  le problème inévitable de verser vers la répétition , la platitude et la banalité qu’elle engendre .Et pour éviter un tel chavirage , le poète doit nécessairement répondre à  deux conditions absolument nécessaires : disposer d’une  expérience personnelle profonde dans le domaine sentimental et jouir de capacités imaginatives et d’une sensibilité esthétique hors pair .Ce qu’a démontré l’auteur de ce poème  dont je suis le parcours depuis près de  dix ans , dans la plupart sinon la totalité de ses écrits précédents qui tournent tous autour du thème général de l’amour  et c’est ce qu’il  démontre une nouvelle fois dans le texte ci-joint . Et cela se constate aisément dans la stratégie très particulière qu’il  a élaborée du début jusqu’à la fin  son poème .

En effet , partant d’un contexte spatial et maritime  bien déterminé : Le Finistère  qui est  la pointe occidentale de l’Europe où a eu la rupture avec sa bien-aimée , il s’est livré à deux activités psycho-locutoires  simultanées : le rappel de ses souvenirs roses et émouvants avec elle  (J’ai refait le chemin en arrière, sur des mots qui me désespèrent, j’ai imaginé tes cheveux qui flottaient, dans le vent… – j’ai refait le chemin en arrière,celui où tu me parlais d’amour, celui où tu me parlais toujours, de la mer et des rivières )  et l’expression de son état d’âme meurtri  du moment présent par  cette séparation bien qu’ancienne  (  puis je me suis mis à t’aimer,puis je me suis mis à pleurer, comme une absence –  une dernière fois j’ai refermé le livre, je me suis assis sur mes larmes, et, en serrant le livre contre mon âme, je me suis endormi… ) , tout en accumulant des flashs évocateurs de la nostalgie douloureuse que ces souvenirs suscitent en lui  et des signes de projection  compensatoire de sa disposition d’esprit sur le milieu maritime environnant   (J’ai refait le chemin en arrière, sur les sommets du Finistère, j’ai regardé la mer comme si elle m’avait appartenu, j’ai regardé la mer en poussant d’une main ses nuages  – j’ai refait le chemin en arrière, j’ai vu une mouette posée sur une vague ou sur un rocher, elle battait des ailes pour refaire le monde, même si elle savait que cela ne servait à rien, j’ai refait mes chemins de travers ).

C’est un  nouveau joyau Laurent  ô Omar ibn Abi Rabiaa* de la France !

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*Omar Ibn Abi Rabiaa ( 644 -711 après J-C.), un poète arabe ancien qui avait vécu à Médine en Arabie. Il  était un bel homme aimé de la plupart des femmes de son entourage dans sa ville natale qu’elles fussent mariées ou libres .Il avait loué dans sa poésie la beauté de plusieurs d’entre elles, parfois sur leur demande. Un jour, il dit des vers amoureux sur l’épouse du gouverneur de sa ville qui le mit en prison dans l’île de Dahlek sise entre le Yémen et l’Ethiopie  oû il passa quelques années et ne fut libéré qu’après avoir  signé un engagement pour ne plus dire des poèmes de ce genre.

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