Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :2 -Les poèmes d’Alain Minod :2-6 : Le secret des muses

’Alain Minod

 

Les nerfs rompus à la défiance

Pour cette injonction au silence

Repu de prière et présence –

Lancent le feu dans la patience

 

Mais … Ce qui court dans les nuages –

Ce qui tombe sur les visages – :

Les mots de tout un paysage :

Cela apprend à être sage

 

La traîne de toute une joie

Qui pénètre dans votre voix

Vous bâtit un tunnel de soie

Passant vos pentes – en une voie

 

C’est votre amour chantant toujours

La robe d’encre sur le jour

Mais la lumière – en recours –

Demeure claire en ses parcours

 

Les fleurs encore épanouies :

C’est la tristesse évanouie

Avant que s’effile la nuit

Dans la toile urbaine et ses bruits

 

Lors – se dévoile un bel azur

Inaugurant notre futur

Mais il n’y a rien qui assure

Pour l’humain une belle allure

 

La tête à bon dieu de l’instant

Rentré dans nos yeux miroitants

Ne peut nous rendre plus contents

Quand nous assumons Tout du temps

 

A nous-mêmes sommes la promesse

De n’engendrer dans la vitesse

Que le charme d’une jeunesse

Toujours rencontrée dans la liesse

 

Notre joie encore féconde

D’ajouter à cet obscur monde

Le chant clair de toutes les rondes –

Résonne où notre cœur abonde

 

Pour un horizon de justice

Avec la logique d’Alice

Ce sont les poètes qui saisissent

Un nouveau jardin des délices

 

Mais : « élargir l’art » pour puiser

Dans ce que Celan nous disait :

« L’arrière-pays » divisé

Entre enfer et accueil osé

 

Nous concevons libre : l’espace

En y imprimant tant de traces

Que l’innocence et sa grâce

Y fabriquent toutes leurs places

 

Et – dans la veine de l’espoir –

Nous faisons briller sang du soir

Pour – au-delà des encensoirs –

Laisser nos vers – à tout – surseoir … –

 

Jusqu’à la peine et la misère

Abandonnées dans un désert

De solitudes que l’on fait taire

Pour que le « monde » les enferre

 

Aussitôt que poème chante

Voilà venue la grande pente

Où – de ce futur – qui nous hante –

Nous saisissons ce qui nous tente

 

Voilà où se penche Désir :

Vers la veille où tout ressaisir –

Descendre au bitume où s’étirent

Les ombres comme un élixir

 

Buvant dans leurs disparitions –

Nous invoquons notre passion :

Epouser la respiration des gentes muses

Qui lancent aspiration en éclairs de leurs ruses

 

Ce nouveau poème d’Alain Minod  un poème à thèse qui traite , donc , d’une problématique : l’inspiration  poétique  et développe , tout au long du texte , des arguments pour appuyer le point de vue de l’auteur  sur sa nature , sa source et ses fonctions . Signalons d’abord que ce  phénomène fait actuellement l’objet de recherches approfondies dans les sciences cognitives et les neurosciences   où on utilise pour le nommer le terme de ” connexion cérébrale” ,  sans toutefois arriver  jusqu’à présent à  déterminer exactement les sources à partir desquelles  il se produit . Quant au poète , et selon les indices qu’il a semés sur la nature de l’inspiration , il  paraît l’assimiler  quelque peu à la révélation que Dieu donne à ses prophètes ,  étant donné qu’elle  s’accomplit , selon lui , du haut vers la bas (qui court dans les nuages ,  qui tombe sur les visages   – aussitôt que poème chante voilà venue la grande pente – descendre au bitume où s’étirent les ombres comme un élixir –   la tête à bon dieu ( jeu de mots avec la bête à bon dieu ) de l’instant rentré dans nos yeux miroitants…) . Il utilise même  pour la  qualifier un mot dont le sens est proche  de celui de connexion :” l’injonction “. Ce qui expliquerait  les sensations de béatitude et de bien-être que l’inspiration procure au poète et l’optimisme béat dont  elle remplit sa vision de l’avenir  (la traîne de toute une joie qui pénètre dans votre voix vous bâtit un tunnel de soie – votre amour chantant toujours – les fleurs encore épanouies : c’est la tristesse évanouie – le charme d’une jeunesse toujours rencontrée dans la liesse  –  dans la veine de l’espoir – nous faisons briller sang du soir ). Et c’est là  précisément   où  se situe l’essentiel  de la thèse de l’auteur  pour qui le rôle primordial  du poète est de combattre les ténèbres qui ne cessent d’envelopper le monde et d’ouvrir continuellement, pour l’humanité ,  des brèches d’espoir . Un autre  spécimen des écrits de ce poète  qui est en train de cultiver, loin des bruits et des lumières médiatiques, une poésie expérimentale  singulière et de haute facture .

 

 

Répondre

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont marqués d'une étoile *

*