Zaara par : Fatima Maaouia – poète algéro-tunisienne – Tunis

Fatima Maaouia

Tableau de l’artiste peintre tunisien Faouzi Maaouia

 

La nuit l’avait choisie
Un jour, Zaara devient aveugle
Le cœur qui bégaie beugle
Et gémit
Besoin de béquilles

Vous voulez me faire part de quelque chose
Dieu
En prenant mes yeux?
Je crois que j’ai compris

Voici ma lumière

Nenni, ma fille répond la nuit
Et le sort qui a trouvé sa proie
Ajoute à vie à Zaraa une croix

Elle a peur Zaara
La menthe n’a pas fleuri
Puis ce mauvais vent
Le mont ricanant

Prenant les devants
Pour fuir la nuit
Son mari se suicide
À vie lui ajoute une ride

Elle a peur Zaara
Quelque chose va arriver
Elle le sent
Mur écroulé, elle va couler
La menthe n’a pas fleuri
Puis ce mauvais vent
Le mont ricanant
Le lait aigri
L’olivier sans paix
La chèvre malingre

Vous voulez me faire part de quelque chose
Dieu
En prenant après mes yeux
Mon mari?
Je crois que j’ai compris

Voici ma lumière

Nenni, ma fille répond la nuit
Et le sort qui a trouvé une proie de choix
Ajoute à vie à Zaara une croix

Cette fois,
C’est son fils, sa joie
Seize ans à peine
Avec quelle haine
Sous les yeux de son cousin, quatorze ans,
Et son triste
Troupeau
Une brebis et trois moutons…
Décapité

Cerise sur le gâteau
Les terroristes
Au noir drapeau
Ordonnèrent à l’adolescent
Complice ou innocent ?
De ramener à la mère la tête sans vie
De son petit
Que par peur de
putréfaction
Elle dû garder par effraction
Toute la nuit
Cette fleur glaçon
Dans le frigidaire en sang
De la famille

Zaara devient chienne
Peine, douleur,
Elle l’a dit Zaara, pourtant
Elle l’a dit
Devant des milliers à la télé
Que le mont lui fait peur

Vous voulez me faire part de quelque chose
Dieu
En prenant après mes yeux
Mon fils bien- aimé et mon mari?
Je crois que j’ai compris

Voici ma lumière

Nenni, ma fille répond la nuit
Ouvre la main
Zaara, chardon des monts
Puisque tes yeux ne voient rien!
Et prends!
Allongés
De l’eau de tes yeux, jet et projets,
Bonbon
Que le destin
T’a prêté
Sont prêts
Pour le jardin
Définitif
De tous les rifs
Dont le charbon
Brandon ardent
Biffent
Maux et kif

Nenni,
Jamais deux sans trois
Et le sort qui a trouvé sa proie
Ajoute à Zaara une croix

Cette fois, c’est une proie de choix

Deux ans à peine, qui aurait crû
Que son aîné allait connaître le même sort
Son corps
Nu
Avec quelle haine, sans nom
Décapité et mutilé au sommet du mont
Corrompu

Connexion perdue
Elle l’a dit Zaara, Sahara éperdu
Mal ajusté à la vie
Elle l’a dit !
Poitrine trouée
Devant des milliers à la télé
Que le mont lui fait peur
Il l’a dit, aussi pourtant
Devant des milliers
Lorsqu’il a été reçu au Palais faux bienveillant
Il l’a dit son Vaillant
Qu’il avait peur pour sa vie

Il l’ a dit son petit
Dans un cri ardent
Emporté par le vent
Qu’il avait peur du mont
Armé aux dents

Ne crains rien fils
C’était à la télé
Et c’était en juillet, jour de canicule
Où tout recule
Aux pieds du mont qui pique
Où le soleil était si fort et si cruel
Qu’il grillait les ailes
Des oiseaux en plein vol
Par poignées
Les abeilles tombaient assommées au sol
Une fois encore on escamota les soins aux morts
Comme les précédents
Les morts vivants
Vite enterrèrent le troisième mort
Par peur de la putréfaction du corps
Voici ma lumière…qui se tord

Elle a peur Zaara
Quelque chose va arriver elle le sent
La menthe n’a pas fleuri
Puis ce mauvais vent
Le mont ricanant
Le lait aigri
L’olivier sans paix
La chèvre malingre

Dans le lieu
Elle avait reçu une pleine fiole
De vitriol
Et d’alun
Du terrain
Dans les yeux

Elle voyait mieux

Voici ma lumière et ma vérité
Bras cintres cassés et branlants
Un pour chaque fils …
Ni le mauvais vent
Ni le mont ricanant
Ne lui feront baisser les bras
À Zaara

Kahina sorcière berbère
Elle porte dans sa chair
Les couleurs de la terre

Zaara devient sceau
Lumière
Au Front de l’univers

Drapeau
Au sommet du mont

Tatouage
Rebelle
Elle se sent pousser
Les seins
En ailes
Mamelles jumelles Zahra fleurs éternelles et sauvages

 

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