Les entretiens de « Culminances » :3 – Avec le poète français Philippe Correc

Philippe Correc

 

Qui est Philippe Correc ?

Philippe Correc est né le 20 octobre 1962 à Paris. Il est par excellence le poète du rythme et du vécu. Son écriture poétique présente en effet les caractéristiques principales suivantes : la place prépondérante qu’y occupe le rythme au détriment de l’image, l’absence ou presque d’ambiguïté sémantique, ce qui éliminerait tout besoin d’interprétation et le puisement des thèmes directement dans la réalité, conformément à l’idée que la réalité dépasse parfois l’imagination et que l’acte poétique est une chasse perpétuelle des instants fugitifs.

Ses recueils de poésie :
Il est elle , elle est île , Editions lulu.com ,France 2011 – Avec ou sans aile  , Editions lulu.com , France 2011 – Etats d’âme, états d’homme , Editions Les plumes d’Ocris ,Meaux , France 2012 – Musique en  vers , Editions lulu.com , France 2014 – A l’encre de nos dunes , Editions lulu.com ,France 2015

Question 1: Commençons par la question classique « Comment étiez-vous venu à la poésie ? »
Philippe Correc :L’école bien sûr. J’aimais beaucoup apprendre les textes par cœur pour pouvoir les réciter devant mes camarades. Au fur et à mesure, je jouais avec les intonations, les silences pour faire passer une certaine émotion. Victor Hugo, Verlaine, Prévert, Guillevic, Paul Fort, Ronsard, etc.. tous ces grands auteurs ont bercés mon enfance puis mon adolescence pour le bac français. J’écrivais quelques poèmes pour les fêtes de famille, pour charmer les filles dont une qui est ma femme aujourd’hui. C’est internet qui m’a permis de faire partager mes écrits à une population plus importante.

Question 2:Considérez-vous  certains poètes français ou mondiaux  comme maîtres inspirateurs ? Si oui  lesquels ? Et en quoi vous ont-ils influencé ?
Philippe Correc :Bien sûr, j’en ai cité plusieurs dans votre première question. Mais il en a bien d’autres. Comme Prévert avec qui j’ai compris que les chansons étaient des poèmes chantés ce que j’aime faire de temps en temps. Lamartine, Baudelaire pour leur spleen que l’on peut retrouver  dans certains de mes textes.  Avec Apollinaire et ses calligrammes, ils m’ont appris que l’on pouvait dessiner avec des mots ; je m’y essaye parfois. Verlaine aussi et ses poèmes d’amour dont c’est un de mes thèmes favoris. Aragon pour sa force, sa prose engagée. Et bien d’autres encore. Comme vous pouvez le lire, je connais plus de poètes locaux que mondiaux.

Question 3 :Votre œuvre riche jusqu’à présent de dix recueils dont la plupart sont individuels montre qu’elle émane d’un besoin profond pressant de s’exprimer. Pouvez-vous nous dire quel est ce besoin et à quel point vous réussissez à le satisfaire en écrivant vos poèmes ?

Philippe Correc : Dans mes poèmes j’exprime mes joies, mes émotions ressenties au cours d’un événement, d’une rencontre, d’un regard. J’exprime aussi mes colères, mes doutes, mes peurs aussi pour contrecarrer le réel, je m’invente un autre futur. J’aime aussi me mettre à la place d’une personne et exprimer les émotions qu’il ou elle pourrait ressentir. Parler comme une femme sur la natalité, sur le harcèlement ou la trahison, la maladie, la misère et même une fois comme un pervers narcissique. Mais je suis d’un optimisme à toute épreuve, peut-être un peu utopiste même. Je crois en la bonté et en l’humanité. Tout n’est jamais noir ou blanc. Dans tout malheur, il y a toujours une étincelle qui permet de rebondir. Aussi, même si le sujet est triste, il y a toujours une pointe d’espoir dans mes propos, en fin de poème. J’aime partager ce que je ressens, faire naître une émotion chez l’autre grâce à mes textes. Oui, j’ai édité 10 recueils personnels pour ne pas laisser mes textes seulement dans mon ordinateur ou sur internet, mais aussi pour les faire partager à des gens qui veulent les garder avec eux. L’internet est futile… un texte peut disparaître d’un seul coup. Sur le papier, ils sont gravés. J’ai choisi le papier car j’aime aussi tourner les pages d’un livre, découvrir les vers qui se détachent sur la page blanche ou colorée, bien que je lise de plus en plus de livres en format epub. Mais je participe aussi à des recueils collectifs avec le Regroupement des Poètes Francophones Engagés Pour la Paix et la Liberté ou ceux réalisés par des amis poètes. J’ai aussi réalisé moi-même un recueil collectif avec des poèmes d’amis qui publie sur Facebook . Je suis en train d’en édité un second sur le thème de la mer. Ces recueils me permettent de participer à des salons où j’aime faire partager mes textes avec un autre public, des visiteurs qui ne me connaissent pas et d’autres auteurs que j’apprécie de retrouver pour échanger sur notre passion, la poésie et les mots.

Question 4 : Vous vivez dans une région du monde où la civilisation dominante est essentiellement matérialiste et cela se manifeste dans la chosification de l’individu au profit de la  machine et la suprématie des valeurs mercantiles sur les valeurs humaines. Quel comportement doit avoir le poète pour s’adapter à un tel milieu ?
Philippe Correc :Le poète doit faire valoir son droit à la parole et à l’écriture. En France nous avons la chance de pouvoir éditer nos propres recueils, écrire sur tous les thèmes sans être censurés. Les réseaux sociaux permettent aussi au poète de partager sa parole avec le monde entier. Il doit avec ses textes faire ouvrir les yeux aux autres et montrer que la nature est belle et qu’il faut la respecter et la protéger, que le simple sourire d’un enfant est beaucoup plus riche que d’amasser des objets. Il doit prévenir des méfaits du “toujours plus” et faire prendre conscience aux autres que la planète n’est pas inépuisable. Avec le regroupement, c’est un peu dans cet optique que nous avons créé ce “mouvement”, pour faire entendre la parole des “muets”. C’est vrai que nous avons commencé à combattre les crimes gratuits du terrorisme, mais nous avons écrit sur l’écologie, le cancer, etc… c’est aujourd’hui le rôle des poètes. Même si la poésie ne se vend pas, elle se lit grâce à internet et ses auteurs. C’est à nous de planter la graine qui permettra de faire pousser l’idée qui sera ensuite reprise par un certains nombres de personnes pour faire bouger le monde, pour qu’il soit meilleur. Je vous avais dit que j’étais un utopiste.

Question 5 :On dit qu’il existe en France actuellement plus de 100.000 écrivains et poètes affiliés aux  associations et sociétés littéraires, sans compter ceux qui suivent leur bonhomme de chemin tous seuls .Comment vous-sentez-vous au milieu de ce beau monde ? Et cet état de fait ne constitue-t-il pas un handicap pour ceux qui aspirent à s’imposer sur la scène littéraire ?
Philippe Correc :Mon but n’est pas d’être connu mais de partager mes textes et mes idées. Je ne suis qu’un grain de sable sur cette plage de la littérature mondiale et cela me va très bien. J’ai un métier que j’aime et qui me permet de vivre ma vie et mes passions. Je ne cherche pas à vivre de mon écriture. Pour le nombre d’écrivains, il y a très peu d’élus qui vivent de leur plume. Beaucoup écrivent aussi pour se libérer de leurs tensions, de leurs peurs ou partager leurs expériences, bonnes ou mauvaises. Bien sur certains voudraient être célèbres et comme Musso, Nothomb, Levy, Vargas ou comme les anciens, Simenon, Blanc, Balzac, etc. mais il faut déjà avoir une belle plume et aussi un coup de chance et/ou parfois aussi des relations…le petit coup de pouce qui vous propulse dans la sphère fermée des auteurs « bankable ».

Question 6 :Le lecteur de vos poèmes est saisi avant tout par la place prépondérante que vous accordez au rythme. En effet, tous les vers sont rimés, en plus de l’usage massif des  assonances et des allitérations. Ce choix résulte-t-il d’un don musical quelconque dont vous seriez doté ?Et peut-on y entrevoir une influence inconsciente de Paul Verlaine ?

Philippe correc: Je joue d’oreille. Oh seulement la mélodie, l’accompagnement, c’est autre chose ! Du piano, de la guitare, de la flûte (un reste des cours de musique à l’école). Pour moi, la poésie rime avec la musique, il faut qu’il y ait un rythme dans les strophes pour que la magie opère. J’ai plus de mal avec la prose. Pour moi, c’est plus de la narration, pas de la poésie. Même si l’on peut faire ressentir quelque chose de plus fort quand la musique des rimes n’est pas là. Donc, je fais très souvent rimer mes vers et d’ailleurs c’est la première chose que tu m’avez dite Mohamed. « Tu mets de la musique dans tes vers ». Oui, lorsque j’écris mes textes, souvent j’ai un air qui m’arrive à l’esprit. D’ailleurs, j’ai mis plusieurs de mes poèmes en musique lorsque je prenais des cours de chant . Moi j’avais la mélodie et mon professeur lui m’aidait à trouver le rythme. C’est pour cela que je me suis mis à la guitare, pour accompagner mes mélodies. Mais c’est difficile encore pour moi de jouer et de chanter en même temps. Mais avec le temps, je vais y arriver. Pour la retraite, j’écrirais mes propres chansons, qui sait ! Pour l’influence de Paul Verlaine… je ne crois pas. Cela me vient tout seul.

Question 7 :Une autre remarque attire l’attention dans votre poésie est que la plupart de vos thèmes sont puisés dans la vie quotidienne ? Est-ce un choix aussi ?Et résulte-t-il d’une influence quelconque de Jacques Prévert ?
Philippe Correc :Le poète puise souvent dans les thèmes de sa vie : l’amour, la mort, la joie, la tristesse, la guerre, la paix, l’environnement, etc. Je m’inspire comme mes compères de ces thèmes qui me touchent : la destruction de la Terre par l’homme, le terrorisme, le divorce, la perversion, la maladie, la mort mais aussi heureusement les enfants, le mariage, la vie, et parfois sur des régions comme la Baie de Somme où j’aime aller marcher, la musique bien sur qui berce ma vie aujourd’hui par le jazz où je suis impliqué dans une association pour proposer des concerts au cours de l’année. La peinture aussi me touche et j’ai fait participer ma femme qui peint pour le plaisir dans plusieurs de mes projets. Le thème aussi de mon prochain recueil collectif est la mer qui me berce, qui me calme, qui me fait peur aussi parfois mais qui est la aussi un thème cher au poètes. Prévert ? Oui sans doute. Il s’inspirait des mêmes thèmes aussi et faisait rimer ses textes dont certains ont été mis en musique. Mais pas que cet auteur comme je l’ai expliqué dans une question précédente de votre interview.

Question 8 :Vous suivez depuis quelques années dans cet espace la traduction en français de plusieurs poèmes écrits en langue arabe. Trouvez-vous des différences, des deux points de vue style et thèmes, entre ce qu’écrivent les poètes arabes et les poètes français ?
Philippe Correc :Non, nous écrivons sur tout ce qui nous touche, que cela soit d’un côté ou de l’autre de la méditerranée. Bien sur, depuis quelques années, il y a eu plus de guerre sur leurs territoires que sur le notre et de nombreux textes ont parlé de ce thème. Mais, je peux lire aussi de très beaux textes sur la condition de la femme, sur l’éducation des enfants, sur la vieillesse, sur les puissants qui nous dirigent, sur l’amour, etc. la vie quoi. Je clique rarement sur le bouton « Traduire » pour lire les traductions des poèmes lorsqu’ils sont publiés en langue arabe. Je préfère regarder le dessin qu’ils font à l’écran. J’aime la calligraphie et cette langue utilise cet art pour communiquer par écrit. Le chinois aussi d’ailleurs. J’ai beaucoup aimé lire les traductions de mes poèmes que vous avez faites. Cela donnait une autre dimension à mes textes et un autre public.

Question 9 : Nous vous voyons participer régulièrement aux foires du livre dans plusieurs villes de France. Sincèrement, la poésie est-elle demandée d’une façon encourageante par les visiteurs de ces foires en comparaison du roman par exemple ?

Philippe Correc :La poésie est la première forme de littérature lue par les enfants grâce à une matière de l’école : la récitation. Ensuite, on peut continuer à en lire mais c’est vrai que l’école nous pousse à lire des romans pour avoir une connaissance culturelle nécessaire à la compréhension des bases de notre société. On fait des résumés de lecture, des fiches de lecture et bien sur on présente des textes issus de romans mais aussi des poèmes lors des examens. Donc lorsque je présente mes recueils dans les salons du livre de l’île de France ou du Nord de la France (je ne vais pas plus loin pour le moment), il y a toujours des gens qui s’arrêtent pour lire quelques textes que j’ai déposés sur ma table, pour feuilleter un recueil et pour parler de poésie. Rares sont ceux qui les achètent mais je ne viens pas que pour vendre mes livres. Je viens aussi pour partager des instants avec des passants qui ont été émus, touchés par un de mes textes ou avec d’autres auteurs avec qui je fais connaissance et échange nos expériences et passions.C’est sur que le roman se vend mieux mais la poésie sera toujours présente dans les salons car elle est partout dans notre vie. Dans la forme d’un nuage, dans une flaque dans laquelle se reflète les arbres, dans le sourire d’un enfant… tout est poésie. Elle est fugace et n’a pas besoin de centaines de pages pour connaître la fin. En quelques vers, elle introduit, développe et conclut une histoire. Lorsqu’on lit un recueil de poésie, on ne le lit pas comme on lirait un roman. Non, on picore, on choisit le texte que l’on va lire, puis un autre un peu plus loin dans les pages du livre. C’est un peu comme un paquet de bonbons : on choisit celui que l’on va prendre, on dépliele papier l’entourant, on pose le bonbon sur sa langue et on le suce lentement jusqu’à ce qu’il disparaisse. Puis on en prend un autre aussitôt… ou plus tard.

Question 10 :Pouvez-vous nous parler de vos futurs projets proches et lointains ?
Philippe Correc :Mes projets à court terme sont la parution en auto-édition d’un « Eclats d’écriture », livret qui reprend quelques poèmes commentés par vous Mohamed, des textes que j’ai écrit depuis deux ans lors d’un atelier d’écriture auxquels je participe et des poèmes écrits aussi pendant cette période. Ensuite, il y aura mon deuxième recueil collectif sur le thème de la mer avec une trentaine d’auteurs issus de Facebook qui ont déjà publié ou non. Cela sera pour  pour le dernier trimestre de l’année. Trois salons dans la région parisienne et en Picardie me permettront de les présenter. A moyen terme je voudrai finir une nouvelle policière que j’ai écrite. Et à long terme, commencer un roman sur la vie de mon arrière grand-mère, née en Biélorussie et morte avant d’arrivée au camp d’Auschwitz. Et puis d’autres recueils de poésie, car je n’arrêterai jamais d’écrire de la poésie.

 

 

 

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