Dans l’Espagne d’aujourd’hui : un seul peuple et deux courants d’idées majeurs

D’après les conversations que j’ai eu avec un certain nombre d’Espagnols dans des lieux différents, aussi bien au nord qu’au centre et au sud du pays, j’ai remarqué que bien qu’ils soient tous nationalistes de premier ordre, ils sont partagés entre deux courants majeurs diamétralement opposés :le premier qui semble être largement dominant est fortement conservateur ,vu que le pays est gouverné par la droite et que la majorité a choisi de rétablir la monarchie après avoir expérimenté le régime républicain en plus de la réhabilitation de l’ancienne aristocratie alors qu’elle a été tout bonnement abolie dans la France voisine. Quant au second, visiblement influencé par les valeurs de la révolution française, il est franchement libéral. Et j’ai été amusé d’écouter les avis des deux clans sur le passé , le présent et l’avenir de l’Espagne.
Pour les conservateurs, l’expulsion des Arabes de la péninsule ibérique entre le 13ème et le 15ème siècles était légitime parce que ceux-ci les avaient envahis puis dominés pendant des siècles et humiliés .Il en est de même pour les juifs qui, selon eux, avaient la mainmise sur les rouages de leur économie et il fallait s’en débarrasser. Quant à l’extermination de certains peuples sud-américains après la découverte du Nouveau Continent, elle était justifiée, par « la barbarie » de ces peuples dont certains offraient des sacrifices humains à leurs dieux et il fallait les christianiser et les civiliser de force. Et pour ce même clan , la prise du pouvoir par le général Franco en 1939 était un acte nationaliste pour sauver le pays des anarchistes.
Mais il suffit d’évoquer ces questions avec des libéraux pour entendre des avis extrêmement différents .Les Espagnols avaient, selon eux, fait preuve d’intolérance, en obligeant les musulmans andalous soit à quitter le pays soit à se convertir au christianise, considérant les peines de mort prononcées à leur encontre par l’inquisition comme des crimes contre l’humanité. Il en est de même pour l’extermination des indiens sud-américains .Quant au général Franco, il aurait dû, selon eux, être jugé pour avoir collaboré avec les nazis et les fascistes contre son propre peuple ( le bombardement de Guernica) et les exécutions de près de 200.000 opposants dont le fmoeux poète de gauche Federico Garcia Lorca .
Ceci est sur le plan des idées. Mais dans le réel, les libéraux, bien que minoritaires, ont réussi à imposer la laïcité de l’état .Ainsi à l’école, les élèves étudient dans les institutions éducatives étatiques aujourd’hui toutes les grandes religions et non pas seulement le catholicisme. Dans chaque grande ville, j’ai vu une grande mosquée d’où le muezzin appelle à la prière .Et on m’a affirmé que ces mosquées ont été construites par l’état espagnol et non par le biais de dons collectés auprès des états islamiques ou de riches musulmans. Il est en de même pour les synagogues et les temples de bouddhistes. Et il paraît bien que l’adhésion de l’Espagne à l’Union Européenne est pour quelque chose dans le choix de cette nouvelle voie qui permettra à ce pays d’enterrer son passé intolérant et rigide, puis colonial lourd d’occupation violente pour faire son entrée dans l’universalité et s’ouvrir sur tous les peuples de la Terre .

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Séville ( 13 août 2015 )

 

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Malaga ( 10 août 2015 )

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Au palais d’el Hamra – Grenade ( 9 août 2015 )

6 commentaires

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    Mohamed Salah Ben Amor

    Réponse de notre amie la romancière Sophie Massonnaud Herbouiller :
    Sophie Massonnaud Herbouiller Bonjour Mohamed, j’ai lu avec intérêt votre article et mon avis diverge (parfois) un peu mais dans l’ensemble, c’est bien analysé et je vous remercie de nous parler de l’Espagne que j’aime tant !
    D’abord, je dirais que l’Espagne a toujours eu une tendance socialiste avérée ; vous abordez là de nombreux sujets ! Rappelons que le dernier bastion arabe, celui de la province de Grenade, n’est tombé qu’en 1492 (ce qui est très récent, finalement) et qu’à l’époque, l’Espagne n’était qu’un noyau au nord composé de plusieurs petits royaumes chrétiens qui se faisaient la guerre : c’est l’union politique d’Isabelle de Castille, dite “la catholique” et de Ferdinand d’Aragon qui a “créé” ce qu’on appelle la nation. Du temps des Arabes en Andalousie, c’était une province extrêmement prospère, de par les travaux d’irrigation réalisés et les implantations d’industries, notamment de soie, où Arabes, Juifs et chrétiens cohabitaient avec tolérance et respect mutuels.
    Quant au génocide indien en Amérique Latine, il a été fait au nom de la religion chrétienne sur ordre d’Isabelle la catholique pour soi-disant évangéliser ces “sauvages” (dont certains se demandaient s’ils avaient une âme, inquisition aidant…) mais cela a surtout été le prétexte pour les dépouiller de leurs richesses et s’approprier leurs terres, le tout légué à Charles Quint, dont on disait qu’il régnait sur un empire où le soleil ne se couchait jamais.
    Quant à Franco, enterré au “Valle de los caídos”, nul doute sur ses alliances nazis (bombardements allemands sur Guernica, Hitler testait son aviation) et avec les fascistes italiens. Federico García Lorca a été exécuté pour être communiste et homosexuel…
    L’Espagne n’est pas et n’a jamais été une nation soudée : les Madrilènes détestent les Catalans (qui le leur rendent bien…), tout comme ils méprisent leurs voisins “pauvres”, les Andalous, les Galiciens, etc.
    Quant aux Basques, ils vivent en autarcie.
    Mais, après la mort du Caudillo, l’Espagne a su émerger de sa torpeur et s’ouvrir à l’extérieur : de profonds changements ont vu le jour et, culturellement, elle nous dépasse à mon sens…
    C’est quand même le pays de la Movida !!!
    Toujours intéressant d’échanger des points de vue et je vous remercie encore, l’Espagne n’a jamais cessé d’être dans mon cœur…
    Amitiés émoticône smile

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    Mohamed Salah Ben Amor

    Merci Sophie pour tous ces renseignements très enrichissants. Je n’ai passé en Espagne en tout que dix jours .Ce qui est insuffisant pour avoir une idée précise sur ce pays .Et ces dix jours je les ai passés dans des villes très éloignées et très différentes les unes des autres, avant d’aller au Portugal. Bien entendu, un touriste ne peut que livrer des impressions sur ce qu’il a vu et entendu. Et il est facilement influençable par les personnes du pays qu’il rencontre par hasard et en peu de temps. (Malheureusement je n’ai rencontré aucune personne de tendance socialiste ). En tout cas, ce voyage n’est pour moi qu’un début et je compte revenir en Espagne pour visiter les villes que je n’ai pas eu le temps de voir surtout Cordoue, Toledo et Barcelone.

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    Mohamed Salah Ben Amor

    Réponse de Sophie:

    Sophie Massonnaud Herbouiller Barcelone est, selon moi, la première ville d’Espagne, à tous les niveaux…
    Désolée, j’en ai écrit peut-être trop long ?
    L’enthousiasme

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    Mohamed Salah Ben Amor

    Pas du tout , ce que vous avez écrit est très intéressant parce que les intellectuels espagnols que j’ai rencontrés m’ont fait croire que la gauche est presque inexistante dans le pays et que la majorité est conservatrice tandis que l’opposition est surtout libérale .Votre réponse va m’inciter à bien me documenter sur les forces politiques en Espagne.

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    Mohamed Salah Ben Amor

    Sophie Massonnaud Herbouiller Mon premier mari était Catalan et j’ai passé environ dix ans en Espagne, amoureuse du pays, dans des régions différentes, la Castille, l’Andalousie (j’adore !), la Catalogne et la Galice..

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    Mohamed Salah Ben Amor

    Sophie Massonnaud Herbouiller Oui, tout dépend des personnes que vous avez rencontrées..

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