Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :40– Les poèmes de Laurent Mourot-Faraut :40-10 :Je vous laisse le choix des larmes…

Laurent Mourot-Faraut

 

 

Les mots, les mots où êtes-vous, les mots, les mots,

Emmenez-moi, aimez-moi les mots, j’ai besoin de vous,

Aimez-moi les mots, écoutez-moi au moins, entendez-moi,

Les livres vous enferment les mots, évadez-vous, évadez-moi,

J’ai besoin de vous, besoin de votre liberté, les mots, les mots,

Tout comme avant, tout comme après, tout comme devant,

Même avant de mourir, je veux pouvoir vous entendre me dire,

Des mots d’amour, les mots, des mots si doux, au creux de l’âme,

J’ai besoin de vous, d’écrire une histoire avec vous, si près…

Emmenez-moi, il était sans doute une fois, peut être une autre fois,

Mais pouvez-vous m’entendre les mots, dois-je vous écouter,

Je suis si fragile à vos côtés, je sens mon cœur qui se bat, se bat,

Comme si il allait mourir, mais avec vous, il naît et vous entend,

Comme des larmes qui bruissent, et ces bruits pleurent en silence,

Et les silences donnent naissance à des mots, me bercent, me bercent,

Pouvez-vous m’entendre, les mots, j’ai peur, je risque mes mots,

Je tremble, je risque mes larmes, je risque des armes, des mots,

Il était une fois, où bien une autre fois, où mon âme meurt,

Et s’en balance, seule, seule, sur une corde lisse et sans mots,

Et la corde se fait des nœuds, pour avoir quelque chose à dire,

Et les mots s’y glissent, et se ramassent parfois, d’une lettre traître,

Pouvez-vous m’écouter les mots, sans maudire, sans me trahir,

Comme avant, tout comme devant, les pieds devant, devant,

De tout un charme, le choix des larmes, je pleure, je pleure… ?

 

Être poète amoureux de nos jours n’est pas une vocation de tout repos , car le défit qu’il doit relever est de tirer son épingle du jeu en se démarquant  des flots de verbiage et de galimatias sur ce sentiment humain noble dont les pseudo-poètes rebattent les oreilles des gens à longueur de temps . Pour cette raison, tout poète qui se respecte  ne s’approche de ce domaine vaseux et glissant que s’il est muni des moyens nécessaires qui lui permettent d’émerger du lot et en premier lieu le sens de l’écart .

Dans ce poème , par exemple , l’idée  d’un discours intime  et confidentiel  adressé aux mots  est  surprenante à plus d’un titre . Et une fois l’idée est trouvée , le poète a donné  libre cours à son imagination féconde et sa sensibilité aiguisée pour en générer une série d’images étincelantes et d’éclairs d’esprit  tels que ”  les livres vous enferment les mots, évadez-vous, évadez-moi – j’ai besoin de vous, d’écrire une histoire avec vous – mon âme meurt, et s’en balance, seule, seule, sur une corde lisse et sans mots – pouvez-vous m’écouter les mots, sans maudire, sans me trahir …etc. ” . Au niveau du contenu , le poète a exploité ce contexte imaginé  pour faire  largement état de son ressenti  et ses émotions  au moment de l’énonciation et qui se résument en  un désir intense de communication , de liberté et de réconfort  pour se débarrasser de la langueur  qui le consume et de la  sensation de blocage qui le torture   “les mots, emmenez-moi, aidez-moi les mots, j’ai besoin de vous – je veux pouvoir vous entendre me dire, des mots d’amour, les mots, des mots si doux, au creux de l’âme- Pouvez-vous m’entendre, les mots, j’ai peur, je risque mes mots, je tremble, je risque mes larmes ” . Il est à remarquer que la langue est, comme toujours ,  celle de la vie courante  mais , reconnaissons-le , du genre que les critiques arabes anciens appelaient simple  et non accessible . Bravo Laurent !

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