Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 29–Les poèmes en duo d’Elena Martinez et Mohammed El Qoch: 26 -3: Chaînes de nos infortunes…

Elena Martinez et Mohammed El Qoch

 

Je plie bagage et file, dignement,

Au-delà de ces frontières 

Établies par les hommes

Je n’avais que cette idée en tête

Qu’elle devienne ma dernière quête

Partir là où l’amour et la paix règnent

Terre concrète 

Et l’accueil de son prochain, 

Une réalité

 

Je baigne dans le silence complice

 Toutes mes aspirations, 

 Mon rêve et mes songes

 Mes mélodies infantiles 

 Le chant de la nuit, exténué, 

 Entre plaintes et complaintes 

 Au crépuscule, gémit et râle.

 

Je partirai à l’aube sur la pointe des pieds

 Pour ne pas déranger les autres

 Déposant un baiser furtif sur ces fronts bénis

 Les sentinelles qui m’épient

 Roupillent sous leurs couvertures d’incertitudes

 Leur sommeil éclairé par les faisceaux de la lune

 Prisonniers par les chaines des infortunes

 

Je connais tous les chemins des landes,

 Les voies de la liberté chérie

 Seuls mes mots fidèles me suivent, 

 De loin, sans éveiller les soupçons 

 Je m’éloigne en dansant sous la voûte céleste

 Je pars comme l’hirondelle

 Sous d’autres cieux bienveillants

 

Je renaîtrai de mes cendres

 A l’aube d’un matin soyeux

 Là où seuls les oiseaux

 Défient la brise et tissent le vent

 Et sous ce ciel d’harmonieux lambeaux

 J’accorderais avec eux mon chant,

 L’ultime…

 

La fuite vers un monde meilleur constitue l’un des thèmes majeurs du romantisme .Mais si dans l’esprit du poète fuyard  ce monde  est sis  à un endroit lointain de l’univers  auquel on ne peut accéder  qu’en enfourchant le rêve ,  pour les psychanalystes ,  par contre , il se situe  dans l’inconscient qui  est  partie prenante de la psyché de l’être humain . De ce fait, si on adhère à cette thèse , le départ  annoncé par notre talentueux duo  ne sera  – et contrairement à ce qu’ils imaginent   –  assimilé qu’à une fuite en arrière  et plus exactement  à un retour nostalgique à l’étape prénatale  , étant donné que le monde dont ils rêvent  possède toutes les caractéristiques d’un paradis (là où l’amour et la paix règnent terre concrète et l’accueil de son prochain,  une réalité – les voies de la liberté chérie seuls mes mots fidèles me suivent,   autres cieux bienveillants – là où seuls les oiseaux  défient la brise et tissent le vent… ). Et ce paradis  ne serait ,  bien entendu , que la matrice de la mère qui offrait  à l’enfant la quiétude et la sécurité avant  son  éjection violente  vers le monde extérieur parsemé d’écueils et semé d’épines (  frontières  établies par les hommes – le chant de la nuit, exténué,   entre plaintes et complaintes   au crépuscule, gémit et râle –  les sentinelles qui m’épient roupillent sous leurs couvertures d’incertitudes  leur sommeil éclairé par les faisceaux de la lune  prisonniers par les chaines des infortunes).Néanmoins, si ce voyage onirique révèle une  crise d’angoisse  violente vis-à-vis de l’ici présent  , l’arme linguistique et esthétique dont dispose le poète est capable d’en venir à bout ,  grâce à  l’écriture qui défit le temps et garantit  au produit artistique  la pérennité .

Un joyau de plus qui vient d’enrichir un répertoire déjà bien fourni !

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