Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 28–Les poèmes de Najib Bendaoud : 28 – 12 : Anaruz

Bendaoud

 

Elle m’a tout livré hier soir

Son âme, son désespoir

Et son bel espoir

Même ses lieux les plus sombres

Même les couleurs profondes de son regard

Même la joie intense de ses mots rebelles

Et mes mots se sont tus

De peur d’effrayer l’élan de sa voix

Pas du tout dérisoire

C’était une belle danse

D’une belle histoire

Elle m’a parlé de son sourire et de l’océan

Et de ses vagues habitant son cœur

D’un tourbillon transparent

Logeant le fond de son fond

Elle m’a décrit aussi hier soir

Sa larme trainant sur les rives de ses joues

Et de son bonheur évanoui

Qui n’a jamais cessé d’orner sa mémoire

Et du coup, ma déchéance s’estompa

Et dès lors mes mots se sont réconciliés

Avec les lumineuses ruelles de l’amour

Et puis, son silence ne me fait plus peur

Hâbleuse soit elle

Silencieuse soit elle

Je devine la trajectoire de sa foire

Je l’attends, enfin j’attends son espoir

Toutes les nuits aveuglées d’amour

Tous les jours quand elle se faufile

Loin, loin, loin  très loin

De mon rêve fou

De sa peau rebelle

De l’extase de ses ailes

De ses pas onduleux

De ses cris fabuleux    

De ses lèvres capricieuses

De ses seins mouvants

Elle aime l’expression corporelle

Et moi j’aime son corps ondoyant

 

Nous nous trouvons dans ce poème narrativisé devant un discours ( celui du locuteur  )  rapportant dans sa première  partie au style indirect (elle m’a tout livré hier soir – elle m’a parlé de – elle m’a décrit ) un second discours  de type amoureux confessionnel  (  celui d’une belle-aimée ) puis le faisant suivre jusqu’à l’ultime vers  par un long commentaire analytique où   ce locuteur  se confesse lui-même  mais au lecteur et non à la personne concernée . A ce jeu subtil par lequel  l’auteur fait inverser les rôles : d’abord  locutrice / allocutaire  (  mes mots se sont tus de peur d’effrayer l’élan de sa voix )  puis locuteur / allocutrice (puis, son silence ne me fait plus peur ), il confie à chacune de ces deux parties les soins de  faire son auto-analyse sentimentale (elle m’a tout livré hier soir son âme, son désespoir et son bel espoir même ses lieux les plus sombres même les couleurs profondes de son regard même la joie intense de ses mots rebelles ) …(Je l’attends, enfin j’attends son espoir toutes les nuits aveuglées d’amour tous les jours quand elle se faufile  loin, loin, loin  très loin de mon rêve fou de sa peau rebelle…etc. ) .De cette façon  de structurer  le discours  deux remarques  insolites sont à déduire : la première est  que le premier pas  qui doit être  normalement fait par le mâle est  accompli ici par la femelle  (A titre d’exemple , Khadija la première épouse de Mahomet  qui l’avait demandé en mariage était la seule femme connue  dans l’histoire arabo-musulmane à faire le premier pas   ), la seconde est que l’homme, bien qu’il partage  la flamme de  la femme  qui lui a  avoué son amour  (moi j’aime son corps ondoyant ), s’abstient à la  lui déclarer   .

Côté style, le poète nous a gratifiés tout au  long de son texte d’une série d’images lumineuses dont quelques unes de création pure  telles  que ” d’un tourbillon transparent logeant le fond de son fond – sa larme trainant sur les rives de ses joues – mes mots se sont réconciliés avec les lumineuses ruelles de l’amour ” .  Félicitations à  Najib pour cet énième joyau !

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