Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 28–Les poèmes de Najib Bendaoud : 28 – 11 : Silence mortel

Najib Bendaoud

 

Elle s’est faufilée en silence mortel

Entre les lettres de mes mots rebelles

Elle a laissé le gouffre néant

Ronger profondément mon art béant

Elle n’a plus aimé mon exhibitionnisme

Ni d’ailleurs la folie de mon naturalisme  

Et avant qu’elle déloge mes « ismes »

Elle s’est éclatée en prismes

Toi le don Quichotte de Tétouan

Et non l’ami de Cervantès

Pauvre toi

Homme du vent

Pauvre toi

Homme lent

Tu n’as pas pu faire ces nuances

Entre les milles couleurs des lentilles

De mes yeux que je t’ai offerts

Lors de la foire de ton lit

Ni d’ailleurs les riches marques 

De mes milles et un soutien-gorge

Ni non plus les couleurs déposées

Sur mes lèvres

Signées Dior  

Tu n’es qu’un promeneur solitaire

Dans les entraves de ta nature humaine

Qu’un bout d’une terre sentant la mort

Qu’une bribe de corps

Dépourvu

Dépouillé

De notre fête artificielle

Tu n’es qu’une âme survolant

Les cimes de tes semblables ahuris

Un homme pour toutes les femmes

Un regard pour tous les beaux regards

Un sourire pour tous les beaux sourires

Des mots creux piétinant les flemmes

Un fossoyeur annonçant les drames

Va aimer tes arbres et tes oriflammes  

D’ailleurs moi ton beau regard

Je n’ai jamais aimé ton calme

Oh toi l’homme immensément bavard

Oh toi l’homme fatalement hagard

Tu as brûlé ton ciel tôt

Tu as abominé la fragilité

De nos baisers succulents

Tu as dénoncé au temps

Mes folles joies d’antan

Tu n’es plus cet homme

Auquel je livrais démesurément

Les nuits de nos nuits

Les danses de mes lèvres

Les chants de ma peau ivre

La folie de mon nombril palpitant

 

Ce poème qu’on peut qualifier de psychologique est une réponse persuasive aux adeptes de la thèse  d’une littérature féminine spécifique selon laquelle seule une femme écrivain est capable de bien dépeindre l’âme des personnes de son propre sexe , oubliant la fameuse réplique de Gustave Flaubert à ceux qui lui  demandaient  qui est Madame Bovary :  ” Madame Bovary c’est moi  ” . En effet , l’auteur de ce texte et sans exagération aucune ,  y a fait étalage d’une connaissance parfaite de la psychologie  féminine qui lui a permis d’endosser à merveille la personnalité  d’une femme dans le cas  précis de l’extinction de la flamme amoureuse chez le bien-aimé . Ainsi , de bout en bout  et  par la bouche d’une locutrice démesurément choquée et  extrêmement intriguée  par la disparation  énigmatique de la chaleur sentimentale   que lui vouait son homme , il décrit les aspects les plus subtils de ce  changement  vus d’un œil féminin blessé . D’autre part et à la même occasion, il  aborde le comportement insolite   du mâle humain  dont l’imaginaire sexuel est multiple et qui est capable de passer définitivement  de l’amour unique à l’amour pluriel sans cause apparente.

Un très bon poème qui répond parfaitement aux critères de ce genre difficile à manier.

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