Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 25–Les poèmes de Philippe Lemoine: 25 –11 :Silence…

Philippe Lemoine

 

Abyssal l’univers échappe à la conscience.
Notre perception des choses nous abuse. 
L’espérance nous leurre, elle n’est qu’une intruse
Dont nous avons besoin pour croire à notre science…
Dévoyant nos esprits quand toque l’insondable,
Inconstante chimère, elle conte les fables
Que nous voulons entendre et renverse les tables 
En nous laissant plus seuls échoués sur le sable…
Le vouloir exister n’est que piège et souffrance,
Accrochés aux vœux pieux de nos pauvres croyances,
Nous ne pouvons accepter toutes nos défaillances ; 
Nous allons et venons enclavés dans l’errance…
Les voix de l’au-delà perdues dans l’amplitude,
Eteignent leurs fanaux. Prises d’incertitude, 
Face à l’éternité prenant de l’altitude, 
Nos âmes trouvent corps dans cette solitude…
Aucune présence et encore moins d’absence,
Tout n’est qu’illusion subterfuge et mensonge, 
Au plus profond du vide, au cœur même du songe, 
Ne subsiste vraiment que le noble silence…

 

Se ballotant d’habitude entre l’engagement et le romantisme, lesquels ont pour point commun l’idée majeure sous-entendue de liberté , du fait que s’engager implique un choix résolu et délibéré et qu’être romantique laisse entendre l’arrachement à la raison , à la société , à la ville et à toutes sortes de règles et de conventions ,l’auteur de ce poème nous surprend , cette fois, par une attitude tout à fait contraire : la résignation devant le néant qui enveloppe l’univers due à l’incapacité de l’esprit humain à percer ses secrets et à résoudre ses énigmes ( Silence…), ce qui la place dans ce qu’on peut appeler « l’existentialisme passif » qui diffère de l’existentialisme sartrien selon lequel l’homme crée sa propre existence grâce à l’outil efficace dont il dispose : le libre arbitre  et de l’existentialisme camusien qui oppose à l’absurde régissant le monde l’appel à la révolte .
A travers ce poème et contrairement à ce que nous connaissons chez son auteur, l’accent est mis, tout au long du texte, sur l’impuissance humaine (Abyssal l’univers échappe à la conscience – Notre perception des choses nous abuse – L’espérance nous leurre, elle n’est qu’une intruse – Dévoyant nos esprits quand toque l’insondable, /Inconstante chimère, elle conte les fables /Que nous voulons entendre et renverse les tables /En nous laissant plus seuls échoués sur le sable…), affichant une attitude pessimiste à l’égard de la  relation de l’homme avec l’univers,  laquelle  nous rappelle quelque peu celles du poète tunisien Nayim Smida et du poète français Patrick Berta Forgas .S’agit-il d’une nouvelle conviction ou tout simplement d’une impression passagère qui ne laissera pas de trace ? Attendons les prochains poèmes de Philippe Lemoine pour connaître la réponse à cette question.
Côté style, ce poème se distingue, comme tous ceux qui l’ont précédé chez cet auteur, par la maîtrise de la langue et la puissance de l’expression, ce qui est en soi une constante dictée par un choix de principe.

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