Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :17 –Les poèmes de Suzanne Ibrahim:17 –1:Les escargots de la peur

Suzanne Ibrahim

 

Lorsque j’ai soulevé la couverture

Sur le plafond de ma gorge

Les escargots de la peur

Et les algues de la douleur étranglée

M’ont surprise.

J’ai craint de marcher au milieu de la foule

Amputée du plafond de ma gorge

Alors que je traversais un long tunnel

Entre mes os et ma chair…

Ö étoile du matin !

Emprunte-moi un peu de ta lumière

Pour que je marche dans cette nuit

Sans plafond !

 

L’auteure de ces vers est bien connue et très appréciée chez les amis de cet espace  et ceux de la plupart  des groupes poétiques francophones en plus des groupes arabes, et ce,  grâce au grand nombre de fragments que nous lui avions choisis et traduits en langue de Molière .Et si l’orientation générale de l’expérience de cette poète ne sort pas du cadre général de la vague du genre tragique qui est en train de prendre une grande ampleur dans la poésie arabe depuis l’avènement de ce qu’on a appelé « le printemps arabe », elle s’en distingue par l’intensité de l’effet du choc subi dans son pays où  une  guerre fratricide folle attisée par l’intervention de parties arabes et étrangères a fait jusqu’à présent près de  trois cent cinquante mille morts .En effet, si chez les poètes tunisiens ou égyptiens ou même syriens établis à l’étranger cet effet a engendré un état plutôt dépressif ,ce même  état  prend chez les poètes syriens résidant ant à l’intérieur au milieu des affrontements sanglants l’aspect d’une psychose proprement dite. Et la différence est que la dépression touche surtout le système émotionnel, tandis que la psychose atteint  le dispositif cognitif et l’outil de réflexion ou intellect et peut mener, à cause de cela, à la folie comme on le constate dans les vers ci-haut  où  la plupart des  symptômes de l’état psychotique typique sont présents .En effet , le discours de la poétesse laisse entrevoir des hallucinations sous forme de perceptions irréelles et bizarres ( escargots de la peur – algues de la douleur étranglée – Amputée du plafond de ma gorge), et  une perte totale de contact avec la réalité (je traversais un long tunnel entre mes os et ma chair  – je marche dans cette nuit sans plafond !).Ces visions, bien entendu involontaires et spontanées, révèlent,  aux yeux de l’analyste, des affects bien déterminés .Ainsi le plafond , par exemple, symboliserait  le ciel protecteur et son absence, comme il est question ici, dévoilerait un fort sentiment d’insécurité .La forme spirale de la coquille de l’escargot  évoque, quant à elle,  les allées sinueuses du  labyrinthe qui n’est autre que la situation  prévalant dans le pays et qui est pourvoyeuse de mal-être  et de perte totale de repères .Et c’est surtout le niveau stylistique qui a tiré profit de ces sensations confuses, étant donné que leur expression a pourvu e  texte d’une texture métaphorique parsemée d’images saisissantes .

 

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