Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :9 – Les poèmes de Mohammed El Qoch :9 – 10 : Vagues et écumes…!

Mohammed El Qoch

 

Et pourquoi cette larme 

Déferle-t-elle sur ta petite joue

Ô mignonne créature

Que le temps turlupine ?

Est-ce l’hiver si froid

Qui te triture

Ou ce regard indifférent 

Des autres, les autres ?

 

Cachés sous l’humble voile,

Tes yeux noirs poudrés de Kohl

Scintillent comme des joyaux rares

 

Je contemple souventefois

Ce visage serein

Et ce sourire d’antan

S’éparpillant

Si gai, si bruyant,

Transportée de joie, papillonnant,

Comme l’écho d’un beau zéphyr

 

Eprise de beauté, communément,

Sillonnant le ciel, à tires d’ailes,

Tu voguais dans le cœur

Comme l’hirondelle

 

Je voudrais bien que tu te souviennes

De ces beaux moments sur la grève

De l’embrun humide qui nous léchait

Tu courrais t’abriter subitement

Dans ce préau abandonné

Dès que l’intempérie murmurait

 

Tu aimais ces geais qui garrulaient,

Qui imitaient ta voix cartésienne

Tu animais cette étrange aura

Tes rires charmants égayaient la place

Où seul un banc, l’unique, t’était témoin

 

Je me noie dans tous ces souvenirs

De naguère

Mélancolique présent

Errer d’asile en exil, nonchalant,

Je soupire, balbutiant tes mots,

Me berçant de vagues et d’écumes

Malgré tous les maux

 

Comme dans un rêve qui sourit

Brumes fuselées,

Un joli refrain

Un violon frémit

Des chants épars m’étreignent

 

J’étais l’oiseau maudit,

Tu étais et le ciel et la branche

Où je venais entreposer le fardeau

Si lourd, si pesant,

Tu l’éparpillais loin, si haut,

Que je crus ressusciter, aride,

Sur un sable doré, entouré d’anges,

Le crépuscule, épais, nous épiait

Il était temps… Rentrer…

 

C’est un poème incitatif qui invite le récepteur  (lecteur ou auditeur)  à l’imagination   pour  remplir une grande case que l’auteur a laissée  délibérément vide , en activant  sa faculté de représentation  afin qu’il trouve l’ossature de l’histoire :le contexte bien déterminé dans lequel elle s’est déroulée .En effet ,s’il est clair que l’arrière-fond de cette histoire est amoureux ( je voudrais bien que tu te souviennes/ De ces beaux moments sur la grève/ De l’embrun humide qui nous léchait) , la nature de la relation qui lie le locuteur à la femme à laquelle il s’adresse  reste, après la lecture du poème , floue et entourée de brume ? S’agit-il de deux ex-amoureux qui se sont rencontrés après une ancienne rupture et que ce contexte inattendu et intensément émotionnel a éveillé en lui souvenirs  sans doute beaux  (Comme dans un rêve qui sourit/ brumes fuselées,/ Un joli refrain/ un violon frémit/ Des chants épars m’étreignent ) mais douloureux  (Je me noie dans tous ces souvenirs/ De naguère/, mélancolique présent/ ,Errer d’asile en exil, nonchalant/, je soupire, balbutiant tes mots/, Me berçant de vagues et d’écumes/ malgré tous les maux)  et en elle des regrets et des remords ?  (Pourquoi cette larme/ Déferle-t-elle sur ta petite joue/ Ö mignonne créature/ que le temps turlupine ?/Est-ce l’hiver si froid/ qui te triture) ? C’est peut-être la version la plus plausible, bien que rien n’y  ait été dit expressément sur ce sujet .Et c’est, sans aucun doute, l’un des principaux  traits attachants de ce récit poétisé auquel on peut ajouter  la haute charge affective que portent les lieux des anciens rendez-vous , les objets qui y sont rattachés et les faits et petits gestes qui y étaient exécutés  (ces beaux moments sur la grève/ De l’embrun humide qui nous léchait/ Tu courrais t’abriter subitement/ Dans ce préau abandonné -tu aimais ces geais qui garrulaient,/ Qui imitaient ta voix cartésienne/ Tu animais cette étrange aura/ Tes rires charmants égayaient la place/ Où seul un banc, l’unique, t’était témoin) .Un autre élément esthétique non moins saisissant est la construction binaire du texte sur la dualité :passé reluisant / présent obscur, par l’usage du flash-back et l’exploitation  à fond des connotations inhérentes à chacun de ces deux termes opposés .Ce qui fait de ce poème, sans exagération aucune,  comme tous ceux qui l’ont précédé, un véritable événement poétique digne d’être célébré.

 

 

 

 

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