Mes souvenirs avec le grand historien de la littérature tunisienne Aboulkacem Mohamed Kirrou(4)

Aboulkacem Mohamed Kirrou

Aboulkacem Mohamed Kirrou était un nationaliste arabe dans le sang. Il croyait dur comme fer à l’unité culturelle arabe. Et du fait qu’il était animé de cette conviction, il était prêt à traiter avec tous les hommes et les femmes de lettres arabes, quelle que soit leur tendance et qu’ils soient partisans du pouvoir dans leur pays ou non. Mais malgré cette ouverture, ses adversaires et ses ennemis étaient très nombreux. Et j’en connaissais au moins trois parce qu’ils étaient mes amis dont feu Jaafar Majed qui le considérait comme un pseudo-critique totalement déphasé par rapport aux méthodes d’étude et d’analyse  scientifiques ,feu le critique Bouzayyane Saadi qui l’accusait de vouloir jouer le rôle d’ambassadeur de la littérature tunisienne en Orient sans que personne ne l’ait chargé d’une cette mission et  Jean Fontaine qui  voyait en lui l’exemple type de la fermeture s’esprit et du refus du dialogue entre religions  et les civilisations. Et lui qui était au courant de ce que  disaient de lui  ceux-ci et bien d’autres , ne ménageait pas ses mots pour mettre chacun d’eux à sa place. Il disait que Jaafar n’est qu’un petit élève du duo kairouanais réactionnaire : les poètes Chedli Atallah et Mohamed Mezhoud, les deux ennemis jurés du critique Mohamed Hlioui, l’ami d’Aboukkacem Chebbi  et ces trois Atallah ,Mezhoud et Jaafra n’arrivent pas , selon ses dires, au talon de cet illustre critique. Bouzayyane, lui, n’était aussi à ses yeux qu’un type rétrograde et ses écrits sont dépourvus de toute crédibilité. Quant à Jean Fontaine , il n’est, selon  lui, qu’un croisé dont le seul but est de saper la culture arabo-musulmane.Et il avait  écrit tout un livre contre lui.

D’autre part, Son esprit moderniste avait fait de lui non seulement un partisan de Chebbi – il était l’auteur du premier livre sur ce grand poète et il l’avait édité à Beiyrout en 1950 mais aussi du réformiste tunisien Tahar Haddad auquel il avait consacré un livre aussi et avait mis très tôt en application ses idées sur la liberté de la femme, en se faisant  au début des années cinquante par son épouse dans les rencontres littéraires.

Enfin, à côté de ces trois principes auxquels il s’attachait fermement, il vouait une haine féroce aux écrivains tunisiens qui avaient collaboré avec les autorités coloniales. Et ils les connaissaient tous un à un et possédait les preuves irréfutables qui les condamnent et qu’il avait pris soin de les exposer dans son ouvrage monumental encore manuscrit L’histoire secrète de la littérature tunisienne qu’il m’avait montré une fois  de l’extérieur et sans me permettre de le feuilleter . Un livre extrêmement important mais qui ne sera probablement jamais publié ou du moins dans un temps proche , parce qu’un bon nombre d’écrivains qui s’étaient mis après l’indépendance à louer la lutte du peuple tunisien  contre la colonisation étaient des agents du résidanat général.

 

Voila donc ce qu’était   Aboulkacem Mohamed Kirrou dont la personnalité peut être résumée en ces quatre termes : nationalisme arabe, intégrité , patriotisme et modernisme.

Répondre

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont marqués d'une étoile *

*