Mes souvenirs avec le poète tunisien feu Midani Ben Salah (2)

Midani Ben Salah

Depuis que j’avais connu le grand poète tunisien Midani Ben Salah (1929 – 2006)  en 1971, l’une des qualités qui le caractérisaient était son sens de l’humour comme la plupart des gens de sa région natale :le Jérid tunisien , sis au sud-ouest de la Tunisie. Mais il s’en différenciait  par l’usage qu’il faisait , à titre humoristique, de gros mots qu’il prononçait à haute voix .

En 1971, j’étais responsable avec le critique Hassine Loued et le poète Hamadi Touhami El Kar de la  page culturelle de  l’hebdomadaire « Al Ayyam »(Les jours ).Et cette page avait suscité de violentes réactions dans le milieu littéraire parce que nous n’y publions que les poèmes en prose, les nouvelles expérimentales et les essais critiques où sont utilisées les méthodes de critique moderne.

Un jour, le propriétaire du journal feu Mahmoud Zogni nous fit savoir qu’une  lettre signée par un groupe d’écrivains et de poètes a été adressée au ministère de l’intérieur dans laquelle ils nous accusaient d’appartenir soit à un groupuscule d’extrême gauche, soit au parti Baath irakien et qu’il n’a pu connaître qu’un seul de ces signataires qui rédigeait une rubrique hebdomadaire dans le journal « al Amal », l’organe parti au pouvoir le parti destourien.

L’histoire de cette lettre  s’était vite propagée dans le milieu culturel .Et comme les noms des autres signataires étaient demeurés inconnus, les rumeurs  avaient fait circuler des noms imaginaires  dont celui de Midani Ben Salah.Et bien que je n’eusse  cru un seul instant à cette rumeur, j’avais demandé au poète Souilmi Boujemaa , l’un des amis les plus proches de Midani, de m’arranger une rencontre avec lui pour discuter de ce sujet.

Le jour convenu, nous  nous rencontrâmes  dans un café populaire sis à l’intersection de la  rue Ibn Khaldoun et et l’avenue  Farhat Hached et se joignit  à nous feu le poète Tahar Hammami qui passait  par là par hasard .

Midani était fou furieux. Il parlait à haute voix, proférant des insultes à l’encontre de ceux qui l’ont accusé et  les qualifiant de lâches puis il s‘est adressé à moi en ces mots : «  Ta critique je m’en taponne et votre soi-disant avant-garde je le(un  gros mot) .Mais je ne me permettrais jamais de signer un rapport à la police même contre mes ennemis ».

Le poète Taher Hammami le prie de parler à voix basse, lui signalant que l’ homme qui était assis derrière pourrait être un flic .

Miudani, emporté par sa fureur, se lève ,se dirige vers l’homme et s’assoit à sa table  puis il lui dit : «  Cher ami , tu es un flic ?Va trouver ton parton (il lui cite le nom du ministre de l’intérieur) et dis-lui qu’il est (un gros mot). Inscris, s’il te plaît, dans ton rapport  ce que je viens de dire en mon nom Midani Ben Salah ».Puis Midani se lève et retourne à sa place.

L’homme était costaud  et grand de taille (tandis que Midani était petit et chétif) .Il partit dans une interminable crise de rire  et cette crise s’était propagée dans tout  le café.

Plus tard, chaque fois que je rencontre  Midani  je lui rappelle cette scène et nous nous mettons à rire à haute voix !

 

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