Le fou par :Fatima Maaouia – poétesse tuniso-algérienne –Tunis

Fatima Maaouia

 

Je l’ai vu dans ce cimetière 
Où la lumière tombe sans arrêt 
Sur les tombes alignées 
Où fragilité, ailes repliées
Dorment sans répit 
Dorment à jamais
A poings fermés 
Les êtres aimés,
Pièces détachées 
Pour germer

Dans ce grand dortoir
A ciel et chagrin ouverts
Des êtres disparus qu’on dit chers 
Quand ils ne valent plus un radis.

J’ai vu dans ce cimetière 
Où la vie pas fière, genou plié 
Met pied à terre

Là où s’étalent sans manière
Tant d’horizons et d’histoires
En plan horizontal

Là où à la terre égal 
Qui s’en fout pas mal
Où même les pierres tombales 
Ont mal.

Dans ce cimetière, mélangeant à l’infini 
Chant de blé, grain de vie, argile qui se rit 
Des tempêtes et rets
Là où sous la dalle
L’Être pièce florale
Pétales
De fané et de peine parfumés
A fait la malle
Finit d’être…
Je l’ai vu ce grand diable roux 
Tête au vent 
Fou
Dont la raison s’en est peut être allée 
Loin de tous les casiers
Glissant comme une ombre 
Sautant d’allée en allée.
Allez! Ça va aller!
Invectivant les gisants
Respiration inhalée
Conjurant le néant
Et de tombe en tombe 
Injectant 
Pluie de prières, d’étoiles, de vers 
Et d’eau de fleur d’oranger 
Pour déranger 
Et barrer la route au pâle et à l’oubli
Qui jamais lui, ne pâlit
Herbe folle qui envahit la vie
Et dont les baies 
Or ranci mord franc et arbi

Poète, prince maudit
Le vent m’a dit 
Ton but dans la vie :
Résister aux poussières et à la lie
A commencer par rappeler à la vie
Tous ces êtres barrés par la vie
Sanctionnés par l’absence de mouvement
et de lumière
Candidats au paradis ou à l’enfer 
Qui sans visa ont gagné d’autres terres.

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