Le rêve américain de Fethia Brouri : la part du réel et du fantastique par :Sadok Gaidi – Fouchana – Tunisie

Fethia Brouri

Sadok Gaidi

Le Rêve américain, dernier recueil de contes et nouvelles édité en 2019 par la Maison d’Edition El Montada.

  1. Un titre révélateur : La nouvelle est à la 1èrepersonne, nous avec incursion de « il »chevauchant entre réalité et fiction. Rym, amie d’enfance de la narratrice va entreprendre un départ touristique sur Mars. Ossature principale sur laquelle se grefferont des événements sur le plan individuel et général. L’héroïne était bien lotie du fait qu’elle a hérité une fortune colossale de ses parents à la suite de laquelle, elle a quitté le bercail tunisien pour faire des études aux USA. La nouvelliste a évoqué un exploit sans précédent réalisé en 1969 : la marche sur la lune lequel événement a fait la- une dans les médias internationaux. Un tapage médiatique qui a ravi esprits et cœurs. Le présent de l’indicatif a substitué le passé simple pour refaire vivre l’évènement. Contre toute attente, la nouvelle ne commence pas par « il était une fois » mot clé pour un univers imagé, fantasmé.
  2. Le quiproquo : Le défi présumé des préparatifs de l’événement se sont soldés par un échec cuisant, pressentiment qui dissimule dès l’incipit une désillusion chez l’auteure vient infirmer ce qui fut projeté aux étapes précédentes. Un fait majeur qui caractérise l’écriture de Fethia Brourou caractérisée par des non-lieux. Un projet, une action généralement n’aboutissent pas, sont sujets à des manques, remaniements qui empêchent l’accomplissement de l’événement.
  3. La vérité : Victime numéro un des médias.

Les personnages des histoires ont vécu un scandale qui se répercute aussi bien individuel que général voire social. Les risques traumatisant sont courus par le groupe. Les interviews, les reportages, les analyses ont mis leur leur part de l’intox dans la sauce médiatique ». Le surdosage informationnel a semé la confusion après avoir endormi  l’esprit critique au profit du sensationnel. Ainsi, les événements défilent sur écrans ou dans les journaux sont dénués de tout crédit professionnel, de toute base logique guidant vers la lumière de Vérité. Celle-ci se perd dans un as de foin. Certes des hommes d’ombre sont derrière cet emportement qui dépasse les limités…déchainement incontournable. Un tremblement de terre effrayant qui crée le brouhaha, la panique, les cris de foule. C’est le lot de mensonges montés de toutes pièces pendant les guerres, les actes terroristes créés par les Grands pour asservir les esprits, et procéder à une sorte de néo colonialisme post capitaliste.

  1. La stratégie du puzzle : Les enquêtes policières, la recherche d’indices pour reconnaitre les disparus, le brouillage des pistes est « un style » d’écriture chez Fethia Brourou. A la manière d’un thriller américain, nous constatons l’entremêlement des chemins qui contribuent à l’atmosphère de peur enveloppant les gens. Le suspense tient en haleine le lecteur dans ses phases de découverte- exploration joncteurs de taille chez notre nouvelliste. Le mystère plane sur les êtres extraordinaires campés dans les contes. Nous n’avons qu’à voir les titres alléchants tels Top Secret, Kidnapping, Est-ce la fin du monde ? L’envie d’un ailleurs perturbant, d’une fuite vers un coin de jardin quelque part hors notre sphère fleurèrent bon par les temps qui courent surtout la science-fiction. Nous avons décelé un jeu manipulatoire avant l’alunissage des cosmonautes en 1969, la ruée des gens sur la télé, l’événement reçoit des analyses hors-pair. Nous relevons « ce moment magique » offert par les Etats-Unis ; le vocabulaire mélioratif, les connotations contribuent à cette atmosphère d’émerveillement à outrance. La couverture de tel événement est un simulacre de vérité du à la puissance de l’argent, la publicité. Encore un exemple parlant de Rym, héroine de la nouvelle  « folle de joie…elle a dû verser un énorme pot de vin » pour s’inscrire dans ce voyage sur Mars. L’auteure a tourné en dérision les institutions qui sont derrière ce tapage médiatique.
  2. Le style de l’induction : maillon majeur d’écriture. Les personnages dans le recueil en question ont vécu leur drame individuellement, par suite ce dernier devient général, vécu par les membres de la communauté alentour. Par conséquent, le sentiment de la solitude est est partagé par les autres en tant que communauté qui respecte quand même certaines valeurs lesquelles valeurs sont absentes dans une civilisation qui se voue corps et âme à l’argent et l’individualisme navré. Les victimes ne sont pas laissées pour compte mais souvent soulagés. Certes, à chacun son attitude face au danger mais la solidarité est ressenti devant les crises mais elle vient du côté des démunis en général.
  3. Le fantastique : le fantastique est présent plutôt implicitement qu’explicitement. L’approche suggestive caractérise l’ensemble des textes. Comme nous l’avons évoqué, le jeu de puzzle perce dans l’écriture de Fethia Brouri quéte-enquète, course-poursuite. Retenons « une chasse aux appartements page 69»dans Kidnapping. Il y a des indices de recherche pour se lancer dans tout itinéraire à couper le souffle. Des mots imprécis « le jour J », « l’avenue était déserte page 78 » cet adjectif  marque et la solitude de l’être dans le désert et l’atmosphère enveloppée de risque..  Le fantastique imbibe toutes les histoires du recueil. Il y a un leitmotiv du déplacement continu des héros et personnages. De la terre vers le ciel, d’u village situé quelque part vers un centre urbain, de la périphérie au noyau. Tous ces éléments participent à l’élaboration du fantastique englobant. Les englobés subissent les drames de cette quête de l’ailleurs. Déplacements psychologiques dans le sens fermeture-ouverture, intérieur-extérieur, de l’habituel et de l’étrange.
  4. Le degré symbolique du recueil.

Ce stade emboite le pas au fantastique précité parce que tous les personnages sont frappés par  scandale qui décide de leur sort par sa grandeur,  son atrocité…On dirait que ce groupuscules d’êtres sont châtiés par une force qui les transcende et les saisit sans merci sans le savoir. Chacun cherche un ailleurs sécurisant, havre de paix et sérénité. La panique et l’asphyxie sont leur lot de ce destin implacable. Quand même, ils essaient un tant soit peu pour s’accommoder à de nouvelles situations embarrassantes mais mieux rassurantes.

Dans la même nouvelle, on a noté la mise en honneur de l’amitié avec Rym. Un point fort qui redonne de l’équilibre à l’histoire après une tension marrante. Nous extrapolons que le chevauchement entre divers genres littéraires a donné du tonus à l’écriture de contes et nouvelles dans ce recueil. La description minutieuse, de proximité côtoie la technique du close up surtout de New- York, de certains personnages. Style descriptif qui va du général au particulier ou vice versa, de bas en haut, de l’intérieur à l’extérieur à tel point qu’on imagine les émotions intérieures des personnages, écouter leur silence. Les images ne sont pas un simple décor mais fonctionnelles, charrient des messages pour créer une atmosphère de peur, asphyxiante, comique pour mettre en abyme «  le rêve de l’homme moderne » et fustiger la manipulation médiatique qui sacrifie le devoir à l’information au profit du mensonge, de l’absence de probité dans les reportages et les images diffusés

Répondre

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont marqués d'une étoile *

*