Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :12 – Les poèmes de Fatima Maaouia :12 -13: Belle Fleur

Fatima Maaouia

 

Fleur  Sueur 

Splendeur Anti -peur

Belle révolution

Concentré d’émotions

 

Née  un matin

D’un brusque coup de rein

Pour créer d’autres liens

 

Aujourd’hui, ceux  sans lumière

Venus de loin

 

Mangent  à ciel ouvert

Saignées  corail

Bassin minier

en colère

 

Mangent  les yeux  et  la chair:

Jasmin  de la terre …

 

Mangent   le vert

Littoral

Au plus mal

Et tendre espoir…  jusque dans l’estomac, Entrailles

Et  intestins  grêles : poitrail  ouvert

Des pauvres  hères

 

Le noyau sémantique de ce poème est né d’une prise de position politique claire  , celle de la gauche  tunisienne   à l’égard de la situation qui a prévalu  dans le pays après la prise en main des rênes du pouvoir par la troïka en octobre 2011 . Et  ce noyau se résume en une évolution à contre-courant grave,  d’une révolution prometteuse à un retour inquiétant en arrière qui menaçait de saper tous les acquis réalisés dans le pays au prix de lourds sacrifices  consentis par plusieurs générations. Mais si ce message est,  comme nous venons de le dire, clair et net et ne prête à aucune équivoque , conformément à l’un des principes du réalisme socialiste , la façon dont il est véhiculé dans ce texte se distingue par une singularité stylistique très prononcée  et une qualité esthétique de haut niveau . Et cela  s’est concrétisé par la mise en fonction de différents procédés ludiques et rhétoriques qui tiennent le lecteur en haleine du début du texte jusqu’à sa fin dont les plus saillants sont  la métaphorisation  de la révolution tunisienne civique  et paisible  par la fleur et  de ceux  « sans lumière venus de loin »  par les deux images implicites des sauterelles qui ravagent tout sur leur passage et des prédateurs assoiffés de sang (mangent  à ciel ouvert saignées  corail – mangent  les yeux  et  la chair – mangent   le vert – jusque dans l’estomac , entrailles et  intestins  grêles : poitrail  ouvert des pauvres  hères )  , ensuite  la  transgression  des règles normatives de la convention morphosyntaxique (ou dyssyntaxie) qui touche à peu près la totalité des phrases employées dans le poème  ( fleur  sueur splendeur Anti-peur belle révolution concentré d’émotions née  un matin d’un brusque coup de rein pour créer d’autres liens ) doublée de l’absence presque totale de conjonctions (ou asyndète) . Ce qui a eu pour effet  d’engendrer un style haché, minimaliste et rapide  créant  conjointement un foisonnement de connotations et un rythme à haute teneur.

 

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