Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 28–Les poèmes de Najib Bendaoud : 28 -10 : En soutane rouge

Najib Bendaoud

 

 

 

L’étoile a effleuré ce soir mon air

Elle a dorloté mes lèvres amères

L’étoile a câliné ce soir ma terre

Elle a étreint  mes lieux verts      

Elle s’est posée quelques instants

Sur mes pierres asséchées  

L’étoile a purifié mon désir affolé

Elle a décapé l’angoisse de mes temps

Elle est venue épurer ma déraison

Elle m’a chanté sa raison

 

Mes mains tremblaient d’amour

Mon ventre vibrait de désamour

 

Demain les vents attristés me parleront      

De cette peine qui habite ma naissance  

De cette haine qui loge mon  existence    

Rien depuis ton arrivée ne peut joyeusement

Etre l’obsession de mon hors la vie

J’ai vu lors de mes soirs anéantis      

Tout le jaune de mes feuilles en décadence

Toutes les tares d’un enfant sans danse   

Et à la fin de mon mouvement hâtif

Je trébuche le long de ce chemin affreux   

Je me nourri d’un vilain esprit    

Tels les corbeaux de mon pays effrayant

La nuit n’est plu amoureuse de sa lune

Et les serpents remplissent mon musée terrible

Et mon verre horrible

Et toute la terre s’offre à mon cheval périlleux

Et toute ma conscience danse au vent de monvent   

L’amour, la mort, la douleur

Un instant brutal

Un moment brûleur

Ma cigarette rit

Son feu sourit

Mes pieds froids et ahuris 

Ton rêve n’est qu’un nuage affaibli

M’a-t-elle dit

Tu as mangé toutes mes lèvres

Et après !

Tu as lunché tous mes seins

Et alors !

Tu as creusé un trou dans mon corps

Et puis !

Tu as besoin d’un enfer

D’une soutane  rouge ?

Et en fer ?

Et un désert ? 

 

Trois significations symboliques  se sont réunies dans ce poème : celles  de la robe ( soutane ) , du rouge et de l’étoile  . Et nous employons ici le verbe pronominal à sens réfléchi ” se réunir ” parce que la réunion de ces symboles s’est produite apparemment dans l’inconscient du locuteur donc indépendamment de sa volonté . L’élément le plus central désigné par ce trio symbolique est , sans doute ,  la robe qui est , à l’origine , l’habit typique de la femme , du fait qu’elle  recouvre tout le corps et qui représente donc l’identité sexuelle féminine ( au xvie siècle , le mot  d’origine italienne apparaît en 1550, sous la plume de Rabelais et la forme sottane  avec  le sens de « longue robe, portée par une femme ». Puis, en 1553-57 sous la forme soutane et le sens actuel de « longue robe portée par un prêtre » chez Du Bellay ) . Et  si la soutane était portée   postérieurement  , comme il est noté ici ,  par des religieux  ,  c’est sa forme  originelle globale qui prime dans l’inconscient humain  et la connotation religieuse peut ,  dans ce cas , dévoiler   une notion de tabou liée  à l’image du  corps féminin . Le second  est le rouge  auquel se rattache tout un faisceau de sens  dont l’énergie vitale , la séduction , la passion et l’attrait infantile . Quant au troisième , l’étoile  , il est , par excellence , le symbole archétypal de la destinée humaine . L’association de ces trois symboles révélerait un questionnement intérieur pathétique sur l’identité personnelle et son évolution au cours du parcours de toute une vie , englobant le passé , le présent et le futur (elle est venue épurer ma déraison : présent / elle m’a chanté sa raison  –  mes mains tremblaient d’amour –  mon ventre vibrait de désamour : passé /  demain les vents attristés me parleront : futur  )  . Et les composantes les plus saillantes de cette identité sont une sensation d’insatiété d’amour innée, une affectivité violente et une  personnalité tragique marquée par un sentiment profond de rupture par rapport à l’univers et au destin  . D’où  ce flot d’affects  contradictoires qui déferlent tout au long du texte et qui donnent l’impression d’un être  tiraillé entre , d’un côté , un  sentiment d’apaisement et de sérénité  et de l’autre  un désir amoureux fou et  une insatisfaction obsédante  , entre  un accord harmonieux avec l’objet désiré  au début du poème  et  une agressivité presque sadique contre lui à la fin du  texte . Ce qui fait , sans doute , l’une des forces  de cette âme poétique singulière qui ne cesse de nous émerveiller par ses éclairs d’esprit , car l’équilibre de la personnalité n’est-il pas  , dans la logique de la création artistique , synonyme de platitude et de banalité ?

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