Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 26–Les poèmes de Gaëtan Parisi : 26-15 : Image universelle

 

Écoute

L’enchevêtrement de ces silences

Le vide est le début de la démence                                                                                   

L’humanité bruisse en toi

Remplis-toi

 

Parle

Les mots sont ton salut

Ils sont les mailles du réseau perdu

Entre les bouches et les oreilles

Agite des fréquences merveilles

 

Goûte

Aux nourritures de la terre

Aux conjonctures célestes

Ne crains pas l’histoire de tes pères

Bois à l’inépuisable source

De la mémoire architecturale

Manges en la moelle

 

Ajoute

L’onde des sciences

La culture et sa consistance

Aux neurones qui te transcendent

Décode les codes

 

Touche

La providence mathématique

La respiration cinématique

Le cri de l’enfance

Fais des lettres et des arts ta violence

 

Engage

La quête du réel et ses arborescences

Le virtuel et son essence

Nomme les formes

Grave les images

 

Marche

Dans le temps présent

Des danses à tous les temps

Où s’éteignent les surveillances

Où naissent les survivances

Tant que glissent les marées

Tant que s’agitent les forets

Sous l’ombre de la lune

Allonge le pas

 

Absorbe

L’odeur des livres

Et prends garde

Les bouches aspirent le diable

Les ventres vomissent des anges

Le langage est l’institution du crépuscule

Il se tait dans l’obscurité des ombres

Et renaît après le geste

Quand l’aube ouvre la voûte céleste

Etanche ta soif

 

Regarde

La vie est la lumière de chaque scène

Assène l’amour à ton histoire

Tu vis devant un miroir

Tu es ébloui par les projecteurs

Regarde dans ton rétroviseur

Quelle est l’image universelle!

 

C’est l’une des rares  fois  où l’auteur de ce poème sort de sa coque sentimentale pour embrasser une cause quelconque hors de son univers personnel renfermé,  à l’intérieur duquel il se consacre souvent à panser les blessures que lui ont occasionnées  ses déboires amoureuses. Mais reconnaissons qu’entre le sentimental individuel et l’humain universel, il n’y a qu’un pas, étant donné que l’âme humaine  quels que soient les états par lesquels elle passe, demeure et demeurera unique. Néanmoins, chaque passage implique un changement du type de discours utilisé .Et c’est ainsi que le discours subjectif  a  cédé la place ici au discours intellectuel qui met en œuvre une stratégie et des outils d’expression tout à fait différents,   à commencer par l’élaboration d’une thèse bien précise formulée clairement : le devoir qui incombe à l’être humain d’œuvrer dans le bon sens et dans tous les domaines .Ensuite, la division de ce thème en sous-thèmes présentés chacun sous la forme d’une recommandation  :  écouter – parler  – goûter –  ajouter  –  toucher  – engager -marcher  – absorber – regarder .Et ces recommandations   nous font penser , en même temps , à la notion de « superman » qui est , selon Friedrich Nietzsche (1844 – 1900 )  , de nature égale au divin et  au-dessus des hommes et dont la tâche est la transfiguration de l’existence  et au concept de « l’intellectuel organique » qui doit être , d’après Antonio Gramsci ( 1891 – 1937) , impliqué dans l’organisation  des pratiques sociales  .Et la différence entre ces deux concepts philosophique et idéologique ensemble et celui du  poète est que pour  ce dernier le champ  où doit s’exercer  l’action  de l’homme nouveau est l’éthique  et ses moyens sont de trois genres : linguistique  où sont recommandées les compétences communicatives (écouter – parler – toucher – absorber…  )  , attentionnelle ( regarder ) et actionnelle ( marcher – goûter – ajouter… ) .Enfin,  si cette conception de l’homme nouveau dont rêvent, en réalité,  avec l’auteur tous les universalistes depuis l’avènement des nouveaux moyens de communication surtout les réseaux sociaux est légitime et compréhensible , vu la dégradation continuelle de la situation qui prévaut dans le monde , il n’en demeure pas moins qu’elle demeure  , dans son fond , idéaliste ; parce que l’homme ; quoi qu’on fasse, ne sera jamais un ange et la terre ne se transformera jamais en un paradis .