Les entretiens de « Culminances » :11 – Avec la poète française Lydia Chabert-dalix

Lydia Chabert-dalix

 

Qui est Lydia Chabert– dalix ?

Lydia Chabert-dalix est une poétesse française. Elle se définit comme « journaliste, écrivain et raconteuse » .Elle est aussi une Intrépide voyageuse très attachée à l’Afrique du nord. En 2011,elle a étonné plus d’un en se déplaçant à Sidi Bouzid le foyer déclencheur de la révolution tunisienne au moment où les événements sanglants étaient à leur apogée pour collecter les informations qui lui serviront à composer son livre sur le martyre Mohamed Bouazizi. Sa poésie bien que peu abondante retient l’attention par les subtilités descriptives qu’elle y met en œuvre et par son style délirant et hautement symbolique.

Question 1 :Vous êtes française née en France où vous avez toujours vécu .Mais l’Afrique du nord est d’un grand attrait pour vous. Y a-t-il un secret derrière cette attirance ?

Lydia Chabert-dalix :Le père de mon père, en 1928, année de naissance de mon père a quitté femme et enfant , a laissé la France derrière lui pour s’avancer en terre Africaine. Dans un premier temps il est allé jusqu’à Capetown. Le voyage a pris 2 ans… Puis il s’est installé d’abord au Maroc et en Algérie où il est mort . Son décès serait un meurtre… Il n’était pas “pied noir” et aurait milité pour que la France se retire… Je n’ai pas connu physiquement ce grand père prénommé Patient. Il est mort lorsque j’étais jeune enfant. Mon attirance pour l’Afrique et l’Afrique du Nord particulièrement tient vraisemblablement à cette recherche de racines. Et de vérité quant à l’identité de Patient.

Question 2 : Vous avez entrepris de grands périples  à travers le Sahara. L’atmosphère et la vie sahariennes vous ont-elles  inculqué  des valeurs ou des enseignements quelconques ou au moins provoqué en vous certains ressentis  d’autant que vous venez d’un monde  totalement différent : l’Occident ?
Lydia Chabert-dalix :”Au désert” l’implacable chaleur de l’été, l’insoutenable froid des nuits d’hiver m’ont enseignés l’humilité afin de supporter et… l’orgueil pour faire face. Le plus bel enseignement du désert c’est la joyeuseté de celles et ceux qui m’ont accueillie. Pas une journée sans chanter, jouer et rire. Comme si l’oisiveté était prioritaire. Sauf qu’il faut aller chercher du bois, puiser l’eau. Et la nuit venue se remettre à marcher.
Au désert le chant le plus lanscinant est celui la soif. Le plus heureux est celui de l’élévation de l’âme.

Question 3 :En 2011 en plein bouillonnement politique et social à la suite du déclenchement de la révolution tunisienne qui avait fait plus de 300 victimes,   vous n’aviez pas hésité à venir en Tunisie et à vous déplacer  à Sidi Bouzid au sud du pays pour recueillir des informations sur le martyre Mohamed Bouaziz. Quels étaient les mobiles qui vous ont poussée àrisquer votre vie pour une cause qui apparemment ne vous concernait pas ?

Lydia Chabert-dalix : Ai-je risqué ma vie ou l’ai-je tout simplement vécue ? Avec le recul de ces dernières années je crois que cet appel des jeunes Tunisiens qui s’adressaient à moi – comme à d’autres – en disant ” venez ! Venez voir ce qu’ils font !” était irresistible. Non dans sa séduction mais dans sa gravité. Et je luttais contre un cancer, ne comprenant pas comment un jeune homme en était arrivé à s’arroser de white spirit à craquer une allumette pour crier sa révolte ! Et se donner la mort de la manière la plus atroce. Moi j’étais dans la survie !
Quant à la cause défendue par Bouazizi elle nous concerne tous. La guerre des puissants contre celle des pauvres reste un combat universel.

Question 4 : Votre livre sur le martyre Mohamed Bouazizi n’a pas eu l’effet escompté parce que les partis politiques  opposés au régime précédent, une fois arrivés au pouvoir, avaient vite fait de récuser le rôle héroique de  ce personnage bien que  ce fût  grâce à lui qu’ils étaient sortis de l’ombre. Et leur reproche à feu Bouaziz est qu’il était un buveur  au verbe obscène. Qu’en pensez-vous ?

Lydia Chabert-dalix: Et quand bien même ce serait vrai ! Chaque Homme qui propulse un message au nom de ses proches, un message fort comme celui de Bouaziz, devrait avoir le droit de vivre comme il l’entend. Obscène ? Concept totalement culturel. Buveur ? Où sont les preuves de l’alcoolisme supposé de Bouaziz ?
Cet homme-là, son geste, ont été récupérés par les pseudo-intellectuels qui ont fait de lui un étudiant en droit qui n’aurait pas pu payer ses études d’avocat. Totalement faux, preuves à l’appui. Les médias instrumentalisés ont suivi. Sur place à Sidi Bouzid je peux vous assurer que bon nombre de puissances occidentales étaient présentes via leurs espions . Discrètes mais présentes. Et leurs représentants distillaient des informations FAUSSES. Le lit politique de la Tunisie était vide après la fuite de Ben Ali. Beaucoup de ces puissances étrangères – dont la France – ont voulu choisir les draps de ses successeurs. Il suffit pour cela d’avoir assisté , dans les campagnes à…la campagne éléctorale post Bouaziz !

Question 5 :Depuis 2011 , on ne parle presque plus de feu Bouazizi en Tunisie et certains ont dénommé ironiquement la révolution qu’il avait déclenchée en s’immolant par le feu  « Révolution de la charrette »  parce qu’il était illettré et que les vraies révolutions selon eux doivent découler d’un arrière-fond solide et être dirigés par des intellectuels instruits et bien avisés . Etes-vous du même avis ?
Lydia Chabert-dalix: Ce point de vue mérite d’exister. Je nuancerai.
En posant la problématique : quels sont les critères qui différencient une “vraie” révolution d’une “fausse ?”
Faut-il des morts civils lors d’une vraie révolution ? Le sang Tunisien a coulé.
Faut-il le départ d’un président, d’un régime politique ? Alors oui le système Ben Ali est tombé.
Faut-il que ce geste propage l’idée d’une rebéllion le plus loin possible ? OUI le geste de Bouaziz véritablement a déclenché “les” révolutions Lybiennes, Egyptiennes. Je reste boétienne. Ma naïveté m’aveugle sans doute…
Toutefois la participation des “élites intellectuelles” dans le déroulement d’une “vraie” révolution est un phantasme de ces mêmes élites. Insupportables pour elles de ne pas être celles qui déclenchent, celles qui gèrent, celles qui pensent pour les “pauvres illétrés.”

Question 6 :Le douloureux départ de votre chère fille vous a profondément peinée et a conféré à certains de vos écrits un ton extrêmement douloureux  mais  aussi  une teinte nettement philosophique. Quelle est l’attitude de l’écrivain et de l’artiste en général à l’égard de la question éternelle de la mort ?
Lydia Chabert-dalix : “Demain dès l’aube à l’heure où…” Victor Hugo donne à voir, ressentir, éprouver ce long long chemin qu’est la mort d’un enfant. Faudrait-il distinguer la mère de l’écrivain ? Je l’ignore. Ce que je sais tient en peu de phrases.
Ma fille Jessica est morte en m’intimant l’ordre de profiter de chaque instant.
Sa mort est un “désenfantement.” Un désordre chaotique. Peut-être parce que enfant déjà elle était une étoile et que – paraphrasant Nietzsche – il faut beaucoup de chaos pour que naisse une étoile.
Le monde judéo-chrétien dans lequel j’ai grandi avance sur du plein. Je m’explique. Tout est préparé, terrassé, bétonné. Y compris la question de la mort. Point d’espace pour la vacuité ! Cette même vacuité présente lorsque l’on va “au désert.” En qualité de maman je refuse cet arrachement, je culpabilise d’avoir survécue à un cancer. Une mère doit mourir avant son enfant. C’est ma réaction animale. Instinctive.
En qualité d’auteur les livres m’apaisent. Ceux que je lis. Puis ceux que j’écris. C’est comme un immense pont entre ma fille et moi. La mort ne nous sépare pas lorsque j’écris. Puisque j’écris pour Jess.

Question 7:L’inconscient et le souvenir occupent une place importante dans vos écrits. En êtes-vous consciente ? Si oui, est-ce un choix délibéré ou bien c’est votre disposition psychologique  naturelle qui vous le dicte ?
Lydia Chabert-dalix: J’écris comme je pleure, comme je mange. Comme je prierais si j’étais en religiosité. lorsque je pose un poème sur le papier il est rarissime que je le corrige ! Et lorsque je me relis, plus tard, il m’arrive très souvent de douter que ces mots soient de moi ! Sensation étrange. Quant aux souvenirs comme à l’inconscient sans doute devriez-vous voir là les traces d’une longue psychanalyse.

Question 8 :Comment évaluez-vous le projet  « Analectes de poésie mondiale « » dans lequel vous figurez ?
Lydia Chabert-dalix : C’est une véritable chance de figurer dans cet ouvrage. Une mise en lumière d’un travail souvent obscur. Et rendue possible grâce au passionné que vous êtes.

Question 9 :Quels sont selon vous les aspects positifs et négatifs de facebook ?
Lydia Chabert-dalix :C’est le même aspect pour le positif et le négatif : exit l’effet de catharsis des écrits.

Question 10 :Quels sont vos projets proches et lointains ?
Lydia Chabert-dalix :Continuer à être “folle”, croire en l’Homme, aimer, voyager, rester immobile.
Au plan de l’écriture j’attends la sortie de mon 3ème opus Marocain qui parle du Souss Massa. Et un travail à terminer sur la vie de Patient Dalix, l’homme qui courait après une utopie.

 

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