Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :12 -Les poèmes de Fatima Maaouia:12 -3 : Aladin me hante

Fatima Maaouia

 

Aladin n’a plus de lampe à la main

Sûr et certain

Qu’en prélevant sa rente,

Du plafond aux plinthes

La souillure

Des hydrocarbures

A fragmenté sous la soupente

Sa nature

Rigolote et conciliante

Pauvre gamin…

Aladin

N’a plus de lampe à la main

On lampe à deux mains 

Son matin

Sûr et certain,

Je vous dis !

Depuis qu’Aladin

Pauvre petit

Gît décoiffé sur la pente

Ce n’est plus le même garçon gentil

Car, en faction :”Assis!”

A toujours demander pardon

Pour ça, pour ci :

Teint bizarre

Accent de bazar

Gestes et faits étouffés

Cheveux ébouriffés…

Par les méfaits

De contes: faits:

De mauvaises fées…

Moins la parole …

+ Le pétrole

Epris de son sol…

Sans boussole…sous camisole

Matin et lampe magique

Troqués contre une lampe en plastique…

Tout cela fait un peu trop

Voyez-vous

De Sahara et de Guantanamo au cou

Désoriente beaucoup

Et vous glisse l’être le plus doux

hors de sa peau…

Pour aller où?? –

Du coup,

Dans la tourmente

De décembre

Qui fractionne

Et démembre

En distinctes zones

Violentes

L’Etre et les membres

Ses chaussures

Liées aux pieds… eux mêmes…

Pieds et poings liés

Aux plaines

Pillées…

Ses chaussures

Je vous dis

Remplies

De murmures

Etuvés

Ointes

Des plaintes

De ses pavés

Jarrets renversés

Ont jaillies fulgurantes

À ses mains …disjointes

Pour dire à la mauvaise fée

Gouvernante du pénitencier

Assez !

 

…………………………………………………………… Hedi Guella

Cet Aladin qui déchante…

Se relève et… chante !

Qui se frotte les yeux

Et qui voit

Sans sa petite flamme

De rêve et enchanteresse

Qui voit l’épine… au lieu des jardins

La soif… au lieu des tankers…

Les échines courbées

Au lieu de la faconde du bon génie

Cet Aladin-là

Relevé par toi, Fatima

Cet Aladin

Est mon ami

Mon double

Et mon espoir… infini 

 

Il est oiseux de dire que la poésie militante a encore un grand rôle à jouer aujourd’hui, vu la période critique que traverse le monde  et dont nous devons tous, en tant qu’intellectuels universalistes épris de paix et de justice,  être pleinement conscients .Et rien de meilleur qu’un poème de la grande dame de la poésie engagée, l’algéro-tunisienne Fatima Maaouia, l’un des plus anciens membres de ma  sélection poétique que j’ai créée en 2009,  pour nous faire revenir à notre réalité amère, tout en profitant de ses prouesses techniques, ses trouvailles linguistiques et ses larges capacités de façonner l’expression poétique tel qu’il lui plaît, presque sans le moindre fléchissement du début du poème jusqu’à sa fin .

L’idée maîtresse sur  laquelle elle a construit ce nouveau texte se distingue par son originalité et sa subtilité .Est-il ,en effet, à la portée de n’importe qui d’imaginer une symbolisation en chaîne aussi subtile dont l’un des éléments renvoie à un autre ? Le premier, Aladin, pris comme signifiant, est puisé dans les mille et une nuits où il symbolise l’impossible qui devient possible ou le rêve qui se transforme instantanément en réalité. Quant au second, Hédi Guella ( 1951 – 2012 ), une figure emblématique de la chanson  tunisienne engagée des années soixante-dix et quatre-vingt, bien qu’il soit utilisé ici comme signifié, il fonctionne aussi comme signifiant, du fait qu’il représente le rêve éveillé de près de trois  générations acquises aux idées révolutionnaires et populistes, vouant une haine viscérale à l’impérialisme et à la  bourgeoisie locale dite de comprador  et un amour sans bornes pour les déshérités et les opprimés et croyant dur comme fer au changement radical de la société et à un lendemain reluisant pour l’humanité entière .L’image inoubliable de ce chanteur est demeurée vivante dans la mémoire  collective  surtout estudiantine, l’image d’un artiste populaire au sens vrai  et noble du terme qui ne se produisait pas pour de l’argent mais uniquement pour servir les grandes causes et dont la seule présence sur scène, électrisait les foules de jeunes et soulevait leur enthousiasme délirant .Mais hélas ! …Le rêve n’a pas tardé à s’estomper et la lampe d’Aladin s’est peu à peu détraquée avec la montée inattendue d’un tsunami d’idées obscures qui ont fini par  assombrir l’horizon.

Un poème fortement nostalgique, empreint d’un ton douloureux et amer mais qui invite à une prise de conscience de l’ici-maintenant.

 

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