Je t’écris/ Je te chante : deux poèmes de Jocelyne Mouriesse – La Martinique

Jocelyne Mouriesse

Je t’écris

 

Je t’écris

Main au coutelas

La mauvaise herbe dans les yeux

Entre les griffes d’un agave

Quand elle me montre du bout d’un doigt

L’envie me tend de te l’écrire

Le vétiver

Retient la terre

Je t’écris

Ne me réponds pas

C’est juste le cri d’une mère

Dans l’étendue de l’incertain

Je te voudrais rugir l’orage

Comme va l’Anse Charpentier*

Rugir le remous d’un courage

Sur les outrages de la vie

 

 

Je te chante

 

Je te chante à toi

Mon pays

Le vivre ensemble

Le vivre ici

Blottis les uns

Avec les autres

Comme les arbres d’un grand jardin

Je te chante à toi petite île

La pluie d’un émoi au réveil

Quand nous aurons trouvé La voix

D’un grand bèlè**

De tous les temps

Je le chante de mon jardin

L’odeur de terre entre les mains

Le parfum de la paix trouvée

Au noyau-même de nos valeurs

Je te le chante chaque matin

De la sueur d’un front réuni

Que je caresse dans une prière :

« Kolézépol

Pani pasé lanmen

Zèb-la wo Jaden-an pasa atann ! »

 

*****

 

*L’Anse Charpentier est une longue bande de sable blond ou gris par endroit, la plage s’étire sur près de 800m. La baignade y est interdite en raison des forts courants et des puissants rouleaux.

 

**Bélé : une pratique musico-chorégraphique de Martinique qui mêle chant, musique, danse, et conte.

 

***les mots en créole veulent dire

kolézépol : entraide

Pani pasé lanmen : il n’y a pas à reculer

zeb-la wo… : l’herbe est haute

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