La dynamite des mines par :Mohamed Ammar Chaabnia – Métlaoui – Tunisie

Mohamed Ammar Chaabnia

 

 

Les rochers tombent l‘un après l’autre.

Les pierres et les poussières  blanches et rouges s’élèvent dans l’espace.

Les oiseaux que la terreur a dispersés

Ne savent quelle direction prendre,

Car le ciel est un tableau taché de poussière

Et l’ouvrier debout sur l’autre colline

Voit sa première colline broyée par la dynamite des mines.

Dans quelque temps, des bulldozers arriveront

Pour lever les décombres :

Du calcaire,

Des pierrailles,

De l’argile,

De la poussière pâle,

Du silex,

Des restes de baleines et de poissons

Ou dîtes plutôt que les créatures maritimes de l’éocène

Restent sans vie en terre nue

En proie à la soif du phosphate.

Qu’elle est malheureuse cette terre qui fait don de sa cervelle

Sous forme d’huile et d’engrais,

Alors qu’elle ne porte dans son giron que sécheresse et cendre !

*

La blanche, la rouge et la sombre disparaissent

Et le paysage silencieux reste ouvert sur la lucidité

Et étalé sur les paumes de l’air et de la nudité

Ainsi que sur un ciel brodant le bleu.

Et naguère, depuis que les eaux de la mer

Avaient séché à la période crétacée,

Le bleu ne l’avait pas serré dans les bras,

C’est-à-dire durant cinquante millions d’années.

Mais que fait ici à présent l’histoire,

Étant donné qu’elle ne cesse de monter

Depuis un peu plus d’un siècle d’épuisement ?

Ö frère utérin du zinc,

De l’argent

Et du phosphore !

Ö gendre de l’or ! 

Ö phosphate !Ö cours de peine

Dans les veines des exténués,

Tu ne rempliras pas le ventre de la partie affamée,

Car il est à présent endormi…!

Oh, combien de yeux qui ne te voient pas se sont endormis !

Ils ne voient pas que tu es la cervelle de la terre …

Pouvons-nous demander à une terre ayant perdu sa cervelle

ce que nous aimons ?

*

Silencieux, tu fixes un soleil du regard

Quand un matin se réveille

Ou un midi ou un crépuscule s’étire le corps tel un serpent.

Ton destin est que tu partes,

Car la période crétacée a été résumée

Par le présent en un tremblement dû à  une déflagration de la dynamite de mine.

Lorsque nous t’avions libéré de ta prison,

Nous t’avions extrait du sous-sol.

Et à aucun moment nous n’avions goûté sur ta poitrine le sommeil.

Il était difficile pour nous de dormir la nuit.

Nous surveillions l’éveil

Dans l’espoir d’y puiser ce qui soulagerait nos jours

Et d’éviter d’être pris par l’ogre du supplice,

Tandis que l’éveil refuse que nous prenions ce qui t’exclurait de nous.

Ö toi qui t’enfuis de nous,

Tu n’as laissé qu’une souillure de temps et  de désolation  

Et une festivité en l’honneur des ruines !

*

Un tableau taché de poussière

Et l’ouvrier au casque blanc recense les camions :

Mille tonnes ont quitté nos mines en deux heures.

Et comme il est tranché comme toujours sur cette question,

Le ventre creux de cette montagne

Avant qu’il ne tombe de la branche de la vie,

Après une génération à venir,

Ne sera qu’un mauvais souvenir d’un objet précieux

Qu’on a laissé échapper de nos mains

Puis nous nous sommes mis à lui courir après

Sans jamais le reprendre !

 

 

 

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