Deux nouveaux poèmes de Rémy Ducassé dit Erdé – Bastia –France

Rémy Ducassé dit Erdé

 

Les mondes parallèles 

 

Nous longions les uns derrière les autres
Têtes baissées, regards absents,
L’immense muraille de verre ; soudain lancinante,
Une voix sépulcrale se mit à nous murmurer :
« Faites naître dans les consciences, d’ici
Les âmes des Guetteurs de demain ».

Le ton bas était impérieux, le débit lent,
Il s’agissait plus que d’un commandement ;
Le sentier tortueux était escarpé, difficile
Parfois, une ombre plus grande, démesurée,
Semblait vouloir traverser la paroi,
Mais un cri rauque brisait ce sursaut.

Nulle ouverture dans ce mur de verre,
Seule telle infime espérance s’entrouvrait,
Une petite lucarne dans laquelle venaient
S’agiter, dans des contorsions pitoyables,
D’invraisemblables individus ridicules
Croyant nous faire rire, chanter ou pleurer.

La nature du monde derrière la muraille,
De la plupart d’entre-nous était étrangère,
Seuls quelques uns parmi nous rescapés
De l’ancien monde dont ils ne parlaient guère,
En avaient gardé un souvenir suranné :
« En ce temps là, on se parlait, et on riait ».

De toute évidence, allant contre les apparences
Il y avait bien deux réalités opposées, irrémédiables,
Que des forces supérieures empêchaient à jamais
De se croiser…Seules face à une certaine soumission,
Les déterminations des plus téméraires et courageux,
Pourraient un jour abattre l’immense muraille de verre.

Souvent le constat du poète semble noir, sombre.
Pourtant ce sont derrière des fausses murailles de verre que se cachent les vérités à magnifier ou à abattre, et les plus ardents des Guerriers de l’esprit.


Page blanche

A Maurane, merci pour son amour du bel ouvrage…

C’est le printemps, ce jour j’ai des idées plutôt noires,
Alors je décide de les cacher, artifice de « théâtralité »
Derrière toutes les fleurs que ma douce a semées.

Je me précipite avant qu’elles ne fanent, vision tragique,
Ou que le vent colérique courbe leurs tiges fragiles,
Desséchant leurs feuilles veloutées, impitoyable destinée.

Elles sont là, multicolores toutes sortes, formes variées,
Je les contemple, me contentant d’un regard distancié,
Respectueux, les déposer délicatement sur le noir du lointain.

Si, toi aussi ta page est blanche avec des idées noires,
Entre là, doucement dans ma page blanche, assieds-toi,
Ecoute le souffle du vent, le bruissement d’ailes des abeilles.

Regarde au pied de l’olivier, ce berger venu se reposer,
Frugal repas fruits noirs, puis sommeil profond, réparateur,
Non loin, le saule offre sa fraîcheur à la source jaillissante.

Non ne pensez pas que j’oublie les malheurs du monde,
Il y a toujours tapis dans les ombres de mon esprit,
Le sang rouge, violence des adultes assassinant leurs enfants.

Puisse faire qu’un jour toutes les pages blanches des écoliers,
Sentent le doux parfum des fleurs multicolores de leurs mères,
Les Dieux des humains de la terre riront, leurs vœux exaucés.

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