Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :6:Les poèmes de Solène de Lam :6 -8 : Demain

Solène de Lam

 

 

Demain, je ne serai peut-être plus moi-même

Le temps passé, sera passé,

j’aurai peut-être trépassé

A l’aube, le cœur serré,

j’irai demander les augures

Dois-je finir esclave de ma nature ?

 

Demain le jour sera levé, j’aurai souris

Je me dirai peut-être, c’était si beau la vie !

Ne sachant pas où la vie nous emmène

Je me lierai peut-être à mes chaînes ?

 

Demain sera peut-être le lendemain

De ce jour-là. Je ne sais si ce sera bien…

Mise à l’écart de moi-même, et folle

J’irais peut-être danser seule ma farandole

 

Se faisant d’habitude chantre d’un amour réciproque merveilleusement partagé suscitant  le summum du bonheur et la cime de la jouissance ,c’est la première fois que l’auteure de ce poème s’écarte de ce thème,  non seulement pour en aborder un autre mais cet autre lui est totalement opposé de par les préoccupations chagrinantes qui lui sont liées .Et même si l’on suppose que  ce revirement soit accidentel ou momentané , il ne manque pas de susciter des interrogations sur ses causes .Le penseur Andalou  Ibn Hazm(  384 -994 après J-C. ) , l’auteur du fameux traité sur l’amour intitulé Le collier du pigeon  nous répond que même à l’apothéose du bonheur, l’amoureux n’a jamais l’esprit tranquille, car il a peur de perdre ce dont il jouit à l’instant présent et de ce que lui cache le lendemain .Et cette phobie du futur est exprimée dans ce poème sous forme  d’une inquiétude irraisonnée et obsédante renforcée par un sentiment d’impuissance à changer le cours du temps (ne sachant pas où la vie nous emmène – demain sera peut-être le lendemain de ce jour-là )   et l’adoption d’une position de passivité vis-à-vis de ce futur  (je ne serai peut-être plus moi-même – dois-je finir esclave de ma nature ? – je me lierai peut-être à mes chaînes ? – mise à l’écart de moi-même).Ce qui nous met en face d’une véritable crise existentielle .Et la preuve en est que cet état plus psychique (c.à.d. mental) que psychologique (c.à.d. affectif et émotionnel) aboutit à un  marasme marqué par un déraisonnement total  (folle j’irais peut-être danser seule ma farandole).Ce qui montre l’extrême précarité du sentiment amoureux qui peut à n’importe quel moment et sans causes objectives basculer dans le pire.

Sur le plan stylistique, deux traits attirent particulièrement l’attention : l’usage massif de vocables exprimant le doute (l’adverbe “peut-être” repris 5 fois en 13 vers   plus deux phrases interrogatives) impliqué par la nature du thème abordé et l’image surprenante finale de la danse folle.

Un bon poème! Mes encouragements Solène !

 

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