Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :6 – Les poèmes de Solène de Lam:6 -4 : Quand je serai parfaite

Solène de Lam

 

Quand je serai parfaite, je n’aurai plus de doute
J’irais dans les sentiers des douces certitudes
Et à toute opinion, je laisserai latitude
Et grande liberté pour se donner en joute

Quand de ma perfection j’aurai pris le sommet
Ayant grimpé mon cœur au niveau de mon âme
J’inviterai là-haut uniquement des femmes
Car aucun de nos hommes n’aura pu s’élever

Mais si j’étais parfaite, je ne serais cruelle
Au point de ne vouloir aucun mâle nous aimer
Je laisserai monter les plus beaux cavaliers

Heureusement chacune n’est parfaite qu’en rêve
Et c’est dur d’accepter qu’un rien nous fait pleurer…
Le monde n’est rien sans nous, ni sans fragilité !

 

L’auteure de ce poème y évoque la question éternelle et épineuse de la nature féminine de la femme : est-ce un point fort dont elle devrait être fière ou au contraire un point faible qu’elle doit s’en débarrasser ? Pendant longtemps, la première thèse était adoptée à des degrés divers .En Arabie avant l’Islam, par exemple, on enterrait les fillettes vivantes parce qu’on considérait la femme comme une source de tentations susceptible de mettre l’honneur de la famille en péril. En Occident et depuis Aristote, l’idée de l’infériorité de la femme était largement partagée. Pour les psychanalystes, en revanche, la nature féminine ne doit pas être traitée en termes de « force » ou de « faiblesse » mais il faut la considérer comme une spécificité par opposition à la masculinité, laquelle, tout en étant son contraire, se complète avec elle harmonieusement. Vue sous cet angle, la féminité se présente comme un ensemble de traits dont les plus importants sont la réceptivité, la liquidité, la mollesse, l’intuitivité, la tendresse…etc. Est-ce en se basant sur ces traits que la poétesse s’est convaincue qu’elle imparfaite ? Ou tient-elle à une vision qu’avait l’ancienne noblesse française de laquelle elle est issue à l’égard de la femme ? En tout cas, ce qui est sûr , c’est qu’elle n’est nullement gagnée aux idées émancipatrices féministes .S’acceptant telle qu’elle est, elle tente de réunir des arguments susceptibles d’appuyer la thèse commune qu’elle soutient. Et si ces arguments n’ont rien de philosophique ou de profond, leur exploitation esthétique ne manque pas d’attrait .Et cela se manifeste dans l’imagination du contraire de ce que l’auteure croit être c.à.d. une femme parfaite et de ce qui en suivrait (quand je serai parfaite – quand de ma perfection j’aurai pris le sommet- si j’étais parfaite).Les conséquences qui découleraient de cette supposition seraient, en fin de compte, selon la poétesse, négatives parce qu’elles feraient de la femme une sorte de divinité ou une amazone hautaine, égoïste et prétentieuse et relègueraient l’homme au statut d’un simple être secondaire végétant au bas de l’échelle humaine. Ce qui impose donc à la femme de demeurer imparfaite pour ne pas dérégler l’ordre de la nature. Un texte riche en informations sur la vision que l’auteure porte sur elle-même, bien construit et élégamment conçu au niveau de la forme.

 

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