Un soir avec Rimbaud :Texte en prose de Mohamed Bouhouch –Tozeur –Tunisie

Mohamed Bouhouch

 

Mon corps est un souffle,
je suis  hors de tout cadre spatio-temporel, 
Maintenant, je suis au Cabaret-vert*1 à Charleroi*2 
Je m’assois là où Rimbaud s’est assis,*3 
Un certain soir, vers dix-sept heures.
Ruiné et abimé  avant  d’être soûl,

J’ai rejoint  les  âmes  perdues dans les  tourmentes
et chanté en présence de mes compagnons : 
(Nous avons bu à  la mémoire  du  Bien-aimé  un  vin
avec lequel  nous  sommes  enivrés  avant la création de la vigne) *4
J’ai crié au nom de tous les Démons de la poésie 
Et au nom du Saint- Esprit, 
Que  les âmes  soient mes compagnons .
Rimbaud est apparu devant moi comme une ombre ;

Aveuglé  par le voyage paradisiaque, 
Il s’agenouille devant moi comme un esclave abyssinien
Et dit : « C’est mon recueil « les Illuminations” 
Et ma  «Saison en enfer ». *5
Ce sont mes messages et mes  mensonges, 
Jette-les tous dans la rivière ou dans le feu de la joie ! » 
J’ai riposté : « je ne jette rien !

 Dors  à poings  fermés,  et repose-toi ! lui dis-je ;
Les créateurs veilleront sur ton œuvre 
Et elle fera l’objet d’une  querelle incessante !” *6
nous nous sommes disputés, puis réconciliés… 

Après avoir bu de sa rivière
Je l’ai incité à s’exprimer. 
Il m’a  avoué : « Je suis  un monstre noir dans l’inconnu, 
Je me suis brûlé par les feux des soleils verts, 
J’ai cherché dans le palimpseste du connu, l’inconnu, 
Je me suis perdu et ma vision s’est éclatée. 
Je l’ai interrogé : 
« As-tu connu la vraie poésie? » 
« Elle est venue d’une chambre close et  secrète… 
Semblable aux feuilles douces flottant dans les cieux lointains! » 
Je lui ai, alors, demandé: 
« Comment reconnaissez-vous la vraie poésie? 
Il m’a dit : « Par le sixième sens, ou par l’adorât, 
je jette mon bâton 
et mon œil pour découvrir les choses, 
j’écris avec le nez , 
Je saisis  la nuit pour découvrir le jour.. 
Alors, j’ai reconnu que: « Le poète est un prophète 
Qui bascule dans l’inconnu… », 
« Un poussin qui sort de l’œuf, 
Il puise son bonheur à sa douleur, 
Étourdi par la vie 
Il vole grâce à ses petites ailes, 
Puis, il tombe sur terre,
se  brûle et meurt 
Semblable au Phénix. »…dit-il… 
D’un mouvement imperceptible, 
Le poète passe  ébloui  dans le  silence  de la nuit. 
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1-Le Cabaret-vert: Titre d’un poème écrit par Arthur Rimbaud en 1870 dans le même lieu où il s’est assis un soir.
2-Charleroi: une ville en  Belgique.
3- Référence au poète français Arthur Rimbaud 1854/1891
4-Un vers d’Omar Ibn el Faredh ( poète arabe ancien  1181 -1235)
5- Référence aux recueils «  Les illuminations » et « Une saison en enfer” d’Arthur Rimbaud.
6- Vers d’Abou El Tayeb El-Mutanabi (poète arabe ancien 915 -965 ).

Un commentaire

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    Cette rencontre dans un espace spatio-temporel indéterminé est un très bel hommage à ce magnifique poète!

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