Ma rue par : Mokhtar El Amraoui – Bizerte –Tunisie

Mokhtar El Amraoui

La rue où j’habite pose, déjà, toute nue.
Elle n’a pas à se déshabiller pour les peintres.
Ses maigres trottoirs sont des claviers
Sur lesquels, la nuit, sans pavés, se rencontrent
Le rêve et son ombre la solitude.
Elle porte, dans ses flancs faméliques,
La rouille verte des réverbères myopes
Et le ballet scintillant des phalènes mystiques.
Ma rue est une très vieille chanson
Qui descend, comme la caresse de l’archet,
Sur les cordes mouillées d’un violon.
C’est un bateau qui danse, drossé,
Sur les décombres des étoiles rouillées.
Elle s’agrippe, comme le noir oubli,
Aux ailes repliées des chauves-souris.
Ma rue c’est les rayons bleus
Que dessinent les miaulements plaintifs des chats
Qui grelottent, rêvant de caresses et de feu
Sur les sofas soyeux des pachas,
Loin de la faim et de la vindicte des rats.
Ma rue est un grain dans le chapelet des jours
Offerts à la trame des ombres qui courent
Jusqu’au tout proche cimetière, tour à tour.

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