Souvenirs de l’époque du mouvement « L’avant-garde littéraire tunisien » :Qui déplumait l’autre ?

Ahmed Hadhek Alourf

En 1972, S.A, un professeur d’enseignement secondaire en histoire qui avait fait ses études supérieures au Caire (Egypte) et que j’avais connu une année auparavant au journal « el Ayyam »(Les Jours )où il rédigeait une rubrique sous le titre « Connais votre patrie arabe », dans laquelle il présentait chaque fois un pays arabe, a décidé un jour après l’interdiction de ce journal de se créer un nom dans le domaine du journalisme littéraire en interviewant les écrivains et les poètes les pus en vue dans le pays . Et comme il ne connaissait ce milieu que très superficiellement, du fait qu’il n’était ni poète, ni écrivain narrateur, ni critique , il a sollicité mon aide et celle du critique Ahmed Hadhek Alourf pour lui préparer les questions à poser aux écrivains et poètes choisis .Et vu qu’il travaillait et percevait un salaire alors que nous nous étions souvent sans le sou, nous nous étions mis d’accord avec lui de nous rencontrer tous les jours ou les matinées ou les après-midis pendant lesquels il ne travaillait pas dans l’un des cafés les plus huppés puis dans l’un des grands restaurants de Tunis ,soit à midi, soit le soir, soit les deux à la fois et c’était lui bien entendu qui devait payer . Et pour bien commencer cette série d’interviews, Alourf lui dit : « Puisque Mohamed Salah Ben Amor est avec nous, pourquoi ne pas faire le premier entretien avec lui ?».Vivement, cette proposition fit le futur pseudo-journaliste se réjouir et aussitôt , Alourf me posa la première question avec un petit clin d’œil et ma réponse s’était étalée jusqu’à ce qu’elle remplit toute la séance ,tout en l’entrecoupant toutes les demi-heures d’un appel au garçon pour nous servir un coca-cola ou une Pepsi ou une bouteille d’eau .Puis nous nous levâmes et nous nous dirigeâmes vers un restaurant de luxe .Et là, nous nous mîmes à discuter avec ardeur et à haute voix ma réponse et à la fin Alourf conclut : « Amon avis, cette réponse est exagérément audacieuse et elle risque de nous créer des problèmes avec certains écrivains et poètes .Pour cela, il vaut mieux la supprimer et la remplacer par une autre ».puis il continua : « Ne crains rien, je te poserai une question bien meilleure ».

S.A  qui  nous écoutait fort étonné ne pipait mot, car il était convaincu qu’il n’était qu’un intrus dans notre milieu et il savait que son seul rôle était de payer ce que nous consommons .Puis après s’être bien rassasiés, nous nous dirigeâmes vers un autre café aussi luxueux que le premier et là nous réprimes l’entretien à zéro.

Cet entretien avait duré plus de deux semaines au cours desquelles nous avions consommé un nombre inimaginable de cafés, de boissons gazeuses, de bouteilles d’eau et de copieux repas dans des boites où nous n’y avions jamais mis les pieds et avait paru à la fin en deux parties dans le journal « El Masira » avec cette mention « Entretien avec le critique Mohamed Salah Ben Amor – propos recueillis par S. A. ».

Et ce jeu sétait renouvelé plusieurs fois avec séries des questions posées à d’autres écrivains ou poètes que S. se contentait de les leur remettre.

Un jour, l’un des connaissances de S est venu me confier : « Sais-tu ce que S.A dit de toi et d’Amed Hadhik ’Alourf ? »

-« Non », lui répondis-je

-Il dit que vous êtes tous les deux des idiots parce que vous croyez le déplumer alors que c’est lui qui vous exploite en se créant un grand nom à vos dépends ».

Aussitôt, nous arrêtâmes ce jeu !

A

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