Dans les griffes du Covid-19 par : Hassan Oumouloud – Agadir – Maroc

Hassan Oumouloud


J’écris ceci en MARS. Mois de  gelée, de réclusion mortelle, de l’ennui, et du silence qui a l’air d’être à chaque fois éternel. MARS, le cœur brûlant de l’hiver. MARS, le dieu de la guerre ! La planète vide qui considère de loin, avec ou sans désolation,  l’agonie de la Terre ! Le voilà MARS encore qui se met la même cape de l’horreur. Comme si la vie au mois de MARS ne faisait pas partie du Temps. Elle a l’air d’en être un morceau sorti de l’orbite. Un instant figé, un rouage bloqué, un chaînon cassé, … bref, MARS est en cette année 2020 un temps mort.  Et ce maudit Covid-19 condamne tous les rêves à faire la queue. Et quelle queue ! Infinie comme le temps, terrifiée comme un ange tombé, perdue comme un être sans destin. Tout le monde a crié « halte!».
La machine titanique de l’humanité s’arrête. Tout ce qui marche,  tout ce qui tourne, tout ce qui court, tout ce qui vole, tout ce qui creuse, tout ce qui fouille, tout ce qui compte …se fige en quelques jours. Nous voilà tous, sans exception, à la dérive. Il n’y a plus de fort ni de faible, plus de développé ni sous-développé, plus de nord ni de sud, plus d’occident ni d’orient … le virus vient d’effacer tous ces pôles ridicules. Il vient d’entasser tous les cœurs dans la cage de la terreur. Il vient de démolir ce que l’homme a construit pendant des siècles ; des siècles de guerres, de ruses, d’abjections. Nous voilà tous égaux maintenant. Un tas de corps qui frissonnent plus d’effroi que de froid. L’animal social d’Aristote se recroqueville dans sa cellule individuelle en attendant un salut. Le roseau de Pascal prie sous les pattes d’un monstre invisible qui ronfle sur sa tête. Le cancrelat de Kafka se condamne au confinement dans son coin froid pour se sauver, s’épargner des pertes, et continuer d’exister pour plaire et instruire ceux qui viendront sur une aventure passé dans le vide, dans les griffes du Covid.
Je n’ai jamais osé croire qu’un jour la numérisation de l’homme battrait son plein. Maintenant tout le monde compte les morts sur les écrans par centaines et les infectés par milliers. Les chiffres ont envahi les médias comme une autre pandémie. Chaque instant est un morceau d’une attente mortelle. Des chaînes ont délaissé tous leurs programmes quotidiens et affichent jour et nuit un grand tableau où est allongée l’humanité en cadavre nu. Les drapeaux des pays classés par ordre de perte et de terreur. Le monde est devenu en un clin d’œil un détroit affreux du dédale où se rencontrent face à face dans un duel décisif Dédale et Minotaure. Comme si, dit-on sur les réseaux sociaux, la nature a voulu nous faire subir un peu de ce que nous lui avons fait. Drôle de talion ! Les oiseaux dansent dans le ciel  et les hommes cloitrés dans leurs cages qui les étouffent. Les animaux courent dans les jungles et les hommes se cachent dans leurs gîtes contre le chasseur qui les traque. Les arbres prennent un bain de soleil et les hommes se brûlent dans l’attente d’un vaccin qui les arrose. Les vagues de la mer se reposent et mille idées déferlent interminablement, sans écume, dans les esprits mangés par l’angoisse.
La pollution générale diminue de presque la moitié. La planète respire bien. Elle semble être lavée de l’homme. Ce qu’a été le souhait de beaucoup d’esprits : un lieu lavé de l’homme. Le voilà maintenant venu un peu trop tard. Mais, sommes-nous vraiment le premier virus de cette planète ? À qui passera le pouvoir après l’homme ? Et si Covid est un deuxième Adem ? Demain trouvera-t-il son Ève à ses côtés ? L’Histoire, tel un athlète à bout de souffles, accomplira son premier tour ! L’Histoire chantera le triomphe de la nature sur les parasites que nous sommes. Elle sera exorcisée des démons que nous sommes. Mais, que lui restera-t-il sans Nous ? Que racontera-elle sans Nous ! Du vide. A qui racontera-elle sa victoire sur Nous ? Au vide. Le temps s’ennuiera à mort et les virus, déjà sourds-muets, l’embêteront de leurs manigances naïves et répétitives.
Maintenant, dans cette épreuve d’effacement général, tout le monde dans sa cachette attend Godot. Toutes les croyances attendent la bonne nouvelle. Toutes les superstitions se sont tues. Le Covid ne se voit pas dans les boules magiques. Il ne se voit non plus dans les étoiles, ni dans les lignes des mains, ni dans les croquis menteurs des charlatans. Tous ces yeux qui prétendent prévoir l’avenir sont obnubilés par la gravité du leur s’ils ne se confinement pas. Toutes ces têtes qui prétendent déchiffrer les mouvements des étoiles, les plis des mains, les lies des cafés, les chiffres des cartes et d’autres bagatelles, sont paralysées par cette espèce de petite boule couronnée. Seul, un scientifique demeure l’unique étincelle qui puisse enfin rallumer le feu de Prométhée. Ce dernier homme, le Bérenger de Ionesco, aux poches gonflées sous les yeux rouges de fatigue, aux mains mangées par les gants, au visage déformé par l’effort et par l’abandon, mis la plupart du temps en quarantaine pourra mettre fin à celle l’Humanité qui l’attend. Il prouvera que la recherche, la vraie recherche n’est pas celle de la fortune, ni du pouvoir, ni des titres, ni des privilèges, mais de la Solution ! Tout l’honneur est à la Solution. Toute la noblesse est à la Solution. Je dis bien Solution (à laquelle le dictionnaire réserve une place d’honneur dans la rubrique Chimie).
Et c’est enfin de compte cette Solution que nous attendons tous , riches et pauvres , noirs et blancs , petits et grands , croyants et non croyants . Nous attendons tous au même moment, au même endroit, crispés, craintifs, suppliants comme des condamnés, une Solution qui germera  dans la tête d’un scientifique ; comme une révélation d’un Dieu Clément qui se permet d’octroyer à Sa création une autre chance.

Hassan Oumouloud, Dans les griffes du Covid , 20 Mars 2020

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