Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :30–Les poèmes de Rachel Chidiac : 30-4 : Courroux

Rachel Chidiac

 

Courroux Ö décembre !

Souffle !

Voici le froid qui point

Sur le front des sentiers

Ö tonnerre gronde !

 Ne crois pas que le printemps

 Est le spectre du crépuscule

Ce sont des broussailles de roses

Qui ont fané

Ce sont les lèvres de l’aube

Qui se sont tues

L’envie n’est point un culte

Le culte n’est nullement une passion

Et la passion, non plus, n’est pas

Une fleur qui rend la vie aux cœurs

Prépare tes valises ô Temps

Rassemble les rêves

Qui ont somnolé dans ta trousse

Et fuis

Sans t’enquérir

 Sur la mort des ruisseaux

Sur des brandons misérables

Sans t’enquérir

Sur la solitude attristante des oiseaux

Sur l’égorgement d’un homme pieux

C’est l‘amour qui est devenu

Aussi aveuglant que le khôl

C’est l’âme qui est une monture

Pour une éternité sans sel

Qui dure infiniment

Fuis ô Temps !

Ne pose aucune question !

Et laisse la gloire

A celui qui a réussi

L’héroïque exploit

De te briser !

 

Presque spécialisée dans le thème amoureux et tout particulièrement  le sous-thème de l’amour platonique à teneur orientale authentique  qui se caractérise par la fusion totale entre les deux êtres qui s’aiment ,  aussi bien spirituellement  que corporellement  , sur terre  puis dans l’au-delà , l’auteure de ce poème se penche cette fois sur un autre thème qui ne lui est  pas , en vérité, totalement étranger, celui de la nature , étant donné qu’elle est habituée à aborder le sujet de l’amour sous un arrière- fond romantique .Néanmoins ,le sujet de ce poème   paraît être inspiré du moment présent , du fait que le discours de la poétesse y est adressé à  décembre. Et le motif de ce choix est , semble-t-il , spontané :l’état émotionnel  particulier que ce mois suscite naturellement chez les âmes hypersensibles  et en premier lieu celles des poètes .En effet, la locutrice s’élance , dès le début, dans un discours colérique à l’égard de cette période de l’année qui se situe entre la fin de l’automne et le début de l’hiver et au cours de laquelle la nature perd toute sa vivacité et se retrouve  dénudée, appauvrie et affaiblie (ce sont des broussailles de roses qui ont fané-  ce sont les lèvres de l’aube  qui se sont tues – mort des ruisseaux – brandons misérables – solitude attristante des oiseaux ).Mais après  avoir déchargé  son courroux contre  ce cadre temporel relativement restreint ( décembre ) , elle s’en prend violemment contre sa source-mère :Le Temps , passant ,de ce fait, du simple ton romantique au ton existentiel et s’offrant un contexte propice à la réflexion philosophique sur  les fluctuations de l’âme humaine et sa condition dans l’univers (l’envie n’est point un culte  – le culte n’est nullement une passion – et la passion, non plus, n’est pas une fleur qui rend la vie aux cœurs – c’est l’âme qui est une monture pour une éternité sans sel  qui dure infiniment   ).

Côté style, la poétesse , forte de sa sensibilité esthétique aiguisée , nous a gratifiés , du début du poème jusqu’à sa fin , d’une série d’images attrayantes évoquant un mélange de mélancolie et de colère .

 

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