Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :4 -Les poèmes de Calli Mondésir :4-3 : Dialogue de l’âme et du coeur

Calli Mondésir

 

I

LE CRI D’UNE VOIX

 

Maudit sois-tu poète sois maudit

Ö ensorceleur de mots et de sens

Tu t’es soustrait de la scène ambulante pour préserver ta vie

Mais tu mourras car ton sort t’as suivi

Comme un chien fidèle

(Dans le pays où l’âge est à naître

Et où l’horloge est à son aube)

Afin d’étrangler ta flamme

 

Tu mourras bientôt très tôt trempé de ta solitude

Car tu ne m’as pas écouté

Tu as fait plutôt de ta voix la voie à sillonner que la mienne

 

Quand les regards de tes yeux

Se sont fourvoyés dans le sourire leurrant du soleil

Croyant dénicher l’amour

Se nourrissant de chimères derrière ses feux aveugles

Qu’as-tu eu que des yeux givrés de flammes foudroyantes ?

 

Quand sur le ventre ton navire

Crapahutait sur la vacant de la mer onduleuse

Croyant dénicher l’amour

Se rassasiant de tes félicités

Dedans son ventre macabre

Qu’as-tu eu qu’un navire cavalant

So vague en sauts vagues et vacillants

Sur les vagues du sauvage déchaîné ?

 

Et quand l’envol de tes ailes a embrassé le vol du vent

Croyant dénicher toujours l’amour ce foutu

Soigner l’apparence de son visage horrible

Qu’as-tu eu que des ailes morcelées

Qui se brassent tant se brassent le vent et la poussière

Mais qui ont à jamais perdu le lit du courant ?

 

Je t’ai dit de ne pas te promener sur le rebord de la page

Je t’ai dit de mettre la porte sous de verrous de fer et de rester à l’intérieur

Je t’ai dit de ne pas t’errer au milieu de la nuit

Car celui-là ce démon, ce diable, cet amour

Guette comme un chasseur les cœurs-proies

Pour les soumettre à des fantasmes de perdition

 

Mais tu as enfreint mes réprimandes

Tu as laissé la porte béante

Et tu t’es flâné dans la nuit

Comme si tu en étais le maître légitime

 

J’ai entendu les autres t’appeler :

Cœur-grand cœur-abri cœur-appui

Cœur-sensible cœur aimant cœur fidèle

Cœur chasseur des larmes sur les yeux

Cœur poseur de doux sourires sur les visages

Raseur de l’herbe sauvage dessus les cranes des  jardins

Cœur vigile contraignant les sorciers noirs d’envahir le soleil

 

Qu’as-tu eu en retour toi?

Tu es sans mémoire car tu t’es déguerpi

(L’âme délavée et la mémoire engloutie

Dans l’obsession de ton au-delà)

Mais cette mémoire a survécu

Et je vais te plaquer sur le visage ces souvenirs sordides de ton amour-folie

Ils t’ont rompu les os comme le verre sur le sol

Ils ont piaffé sur ton front comme les pas torturant les piétons

Ils ont troué ta chair et tu as flotté

Au milieu de l’emmêlement de ton sang et de tes larmes

 

Ton amour et l’amour ont causé ma ruine

Vas-tu enfin fermer la porte et t’abriter seul dans le feu de ta flamme ?

L’amour de soi avant tout n’est pas parfait

Mais pour survivre il le faut ô cœur têtu.

 

II

LE CRI D’UNE AUTRE VOIX

 

Ö toi déflorant les mystères et qui vois au dessus du commun

Toi abritant la pensée et qui la fertilises

Je te salue et bénis ton nom car tu es mienne

Et tu bats en moi comme bat la vie dans le cœur de chaque être vivant

 

Pourquoi m’en vouloir autant parce que

J’ai donné aux autres toutes mes richesses

Tout même la paille qui allumait mon feu ?

 

J’ai derrière moi jusqu’ici dans ma solitude

Cette mémoire que j’ai hier tenté de délaver

Encore je me rappelle des gifles sur mon visage

Et des coups violents de poignards sur ma chair

 

Ces cœurs à qui j’ai donné mes ailes pour voler dans le ciel

Comme un essaim d’abeilles pourchassant les arômes

Juste pour voir l’amour le toucher voire porter son manteau

M’ont trahi et d’eux je n’ai reçu que du mépris et de l’abandon

 

Mais ils vont bien eux et ils sont heureux

Le froid congèle ma peau mais pas eux

Et ce savoir me réjouit comme un fou

En dépit des malheurs que cela me cause

 

Que la mort m’emporte si c’est la pire des malédictions

Qu’elle m’emporte car aimer est à moi un éternel envoûtement

Je suis né rien que pour lui

Ö Que je me moque de mes supplices

Que l’on me leurre que que l’on me noie

Que l’on me détruit que l’on m’éteint j’aimerai

Et mon creux sera toujours un asile de survivants

 

Je me donne moi et tout ce que j’ai

Je me donne autant qu’est mon désir de n’attendre rien de vous

Qu’un doux sourire

 

Ö mon âme toi ma sœur aimée

Ne me laisse pas si à autrui je suis tombé amoureux

Comme ça comme un idiot

Car aucun cœur ne mourra

Aussi éteint qu’il soit dans sa cage

Tant que perdure son souvenir.

 

Le message transmis à travers ce poème est des plus simples et clairs : l’être humain vit , de par sa nature ,un conflit interne entre son cœur qui le  pousse instinctivement dans  la voie de l’amour et son âme qui lui impose des restrictions dans ce sens , de peur d’éventuels dérapages dus aux surexcitations incontrôlées .Néanmoins , cet amour  est nécessaire pour  faire jouir les cœurs d’autrui du bonheur tant recherché par les humains sur terre .Et les supplications que le cœur adresse à l’âme  afin qu’elle  soit compréhensive et tolérante à l’égard  du rôle qu’il joue , montre  que la solution idéale , pour l’auteur , est la conciliation entre ces deux forces internes de l’être l’humain . Cependant, ce problème paraît être plus complexe . En effet , les psychanalystes et les philosophes existentialistes ont démontré que l’amour,  qui d’ailleurs  est loin d’être une activité du cœur, n’est à l’origine qu’un désir libidinal pervers sur lequel le Sur-moi  c.à.d. l’intériorisation  inconsciente de l’image d’une personne représentant l’autorité  exerce  de fortes pressions afin de le refouler ou le transcender en le transformant en  une forme d’amour sain . Ce que  Sartre  en réfute la possibilité pour la simple raison que l’Autre selon lui , est l’enfer et qu’on ne peut donc aimer .Malgré tout , que l’amour soit artificiel ou inexistant comme le soutiennent ceux-là ou inné  parce que l’homme est bon de nature , comme le stipulent les optimistes  dont Rousseau , nous ne pouvons , de nos jours , qu’adopter l’appel du poète parce que, d’une part, l’amour incontrôlé peut  réellement évoluer en des formes morbides et néfastes et ,d’autre part, nous n’avons qu’une seule solution pour faire éviter au monde une catastrophe irrémédiable : l’amour d’autrui . qui reste  l’unique remède contre le racisme , le fanatisme , l’intolérance , la mélomanie , l’ethnocentrisme  … les vrais dangers qui menacent l’humanité .Enfin , sur le plan du style , la théâtralisation du poème  en le construisant sous la forme d’un dialogue lui a conféré un attrait certain .

 

 

 

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