Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor (1) :les poèmes de Jocelyne Mouriesse:1-2 : Dissidence d’écumes

Jocelyne Mouriesse

 

 

Tout le poème

Voyage en lui

Son sable est dense

Houle intérieure

D’un désert volubile

Et si la langue se fait vague

Le visage s’y lance

Rime avec amertume

Rame contre un filet

D’ici danse

D’écumes

 

Comme dans mon commentaire du mini-poème précédent   de notre amie poète de l’autre bout du monde , j’irai sans aucun doute  , encore une fois , dans la direction opposée  à celle que s’est tracée l’auteure dans son esprit, sans que cela veuille  nécessairement dire que son interprétation est juste et que la mienne est fausse,  vu que malentendu qui  nous oppose  découle du fait qu’elle parle du « vouloir dire » alors que le critique ne traite qu’avec ce qui a été dit effectivement   .

Pour espérer  déchiffrer ce  mystérieux mini-texte plein à craquer de signes  à première vue impénétrables , faisons appel à deux notions : celles d’acte locutoire du philosophe anglais John Austin et d’isotopie  du sémanticien franco-lituanien Algirdas Grémas . Vu sous ces deux angles ,  le texte paraît être composé de deux niveaux : le premier est celui de l’acte locutoire c.à.d. ce qui a été exactement dit par l’auteure et le second est celui de l’acte illocutoire qui comporte ce qui pourrait bien être dit en relation avec le contexte dans lequel il a été écrit  ( le milieu maritime de la Martinique ) .  Au premier niveau , le poème est composé de deux principales isotopies  opposées : l’une regroupe les termes liés à la mer (sable  – vague  – rame  – filet  – écumes  ) et l’autre les mots relatifs au désert  (sable – désert ) .La première isotopie a été  assujettie à la deuxième par l’emprunt d’images maritimes au profit du désert .Et  cette subordination a été décidée dès le début, en  mettent en évidence ce «  lui «  (Tout le poème voyage en lui) .Et ce lui ne peut être la mer, du fait que ce mot  est au féminin (  A remarquer qu’en arabe   nous trouvons  l’inverse :le mot « mer »  étant  au masculin alors que le mot « désert » est au féminin  ) .Néanmoins , ce lui ne peut être ,  d’un autre côté,  le désert parce qu’il a un intérieur et une activité poétique ( une houle intérieure et le poème le traverse  ) .Il ne peut donc être qu’un homme et plus précisément un poète de désert  pareil aux poètes  de la  péninsule arabique  à l’époque préislamique .Et la particularité de ce poète est  que ses dons lui permettent de se  créer comme par enchantement un langage poétique  aussi  vivant  , fécond et riche que la mer ,  tout en étant   installé dans son milieu natal désertique (la langue se fait vague – rame contre un filet d’ici danse d’écumes ) .Et cette dissidence  que l’auteure place au titre,  pour la mettre en évidence , résulte du long voyage qu’entreprennent  ces écumes  lancées par la locutrice  à partir de son  monde maritime  jusqu’au désert de ce poète .Voila tout ce que j’ai pu tirer de ce deuxième mini-poème en attendant l’avis de mon sorcier chauve !

 

 

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