Mémoires d’un critique : Le recueil de poésie qui a causé la suppression d’une émission télévisée

 

En 1971, j’étais étudiant à la faculté des lettres et sciences humaines de Tunis (aujourd’hui la faculté des sciences humaines et sociales de Tunis).Et j’avais parmi mes professeurs le professeur Mohamed Rached Hamzaoui qui nous enseignait la lexicographie et qui était depuis les années cinquante un romancier et nouvelliste connu .Au début des années soixante, il produisait pour la télévision une émission intitulée « Une œuvre et son auteur » dans laquelle il dirigeait dans chaque séance un débat entre un auteur et des invités autour d’un livre récemment paru.
Un jour alors qu’il sortait de la faculté, il me remit une invitation à son émission qu’il comptait envoyer par voie postale. En voici le contenu :
Tunis le5/5/1971
Monsieur Ben Amor,

Prière d’être présent à la séance de monsieur Zannad , et ce, le samedi 8 mai 1971 à 4h au studio 10 à la maison de la radio.
Rached Hamzaoui
Le jour convenu, je me présente au lieu qu’il m’a indiqué et j’y trouve mon professeur en compagnie du poète Mohamed Habib Zanned auquel il a consacré cette séance de son émission, ainsi que le critique Ahmed Hadhiq Aiourf  ,le poète Tahar Hammami, le nouvelliste et dramaturge Samir Ayadi et le professeur de Sociologie Ridha Boukraa.
Le livre  que nous étions venues pour le discuter était un recueil de poésie intitulé l’apocopé par Ne (Al majzoum bi lam ) nouvellement édité par la maison de la culture Ibn Khaldun dans une collection dirigée par Samir Ayyadi.
La séance, qui était enregistrée et non diffusée en direct, a duré une heure au cours de laquelle nous avions échangé nos points de vue sur le contenu de livre et le style de son auteur sans que l’un de nous ait touché à la politique même par allusion pour une raison évidente :il n’a aucun lien avec la politique.
Malgré tout, la séance a été censurée et l’émission elle-même « Une œuvre et son auteur » a été supprimée.
Quelques semaines plus tard, j’ai demandé à notre professeur s’il savait quelque chose sur les causes de ce coup d’origine inconnue et injustifié et il m’a répondu qu’à la radio tunisienne inutile de poser à ses responsables une telle question car on n’aura de leur part aucune réponse.
Plusieurs années s’étaient ensuite écoulées et personne n’a jamais su les auteurs de cet acte, ni leurs mobiles.

Après cet incident insolite,je n’avais plus mis les pieds à la maison de la radiotélévision qu’en 1988 quand  le romancier Mustapha Mdaiini  m’invita à une émission radiophonique qu’il produisait sous le titre «  La distance la plus longue »pour présenter le recueil de nouvelles de Mahmoud Tarchouna « Fenêtres ».

 

Répondre

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont marqués d'une étoile *

*