Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 26–Les poèmes de Gaëtan Parisi : 26 -16 : Femme

Gaëtan Parisi

 

C’est la matière qui façonne le corps

Une glaise aux filaments de fer multicolores

Terre de pierre

Sous les flammes de l’enfer

Masse de carbone étiré en long

Qui se tisse comme un sarong

Ton corps est le costume de ma vie

 

C’est la  matière qui façonne l’esprit

Aussi, mais oui

Une terre légère et mobile

Volubile

Qui s’enroule comme un souffle à l’existence

Elle forme des nuages de rêves

Façonne les sentiments aux mille nuances

Elle a la couleur des paroles brèves

Ton esprit est le chapeau de ma vie

 

Ton être est la révélation

De la matière

La confirmation

De l’eau et de la poussière

Ton corps et ton esprit habillent ma vie

 

Je suis l’antimatière

Je me fonds en masse et lumière

Pour rejoindre ton énergie

Etre avec toi en synergie

Et annuler toutes les distances

Tu es le noyau de mon existence

Ton souffle est mon vent amniotique

Ton cœur mon centre atomique

Ton amour est la matière de ma vie

 

Dans ce poème , nous sommes saisis, du début jusqu’à la fin, par une tentative poussée à l’extrême d’appréhender l’essence de cet être aussi sublime qu’énigmatique qu’est la femme dont l’homme reste dépendant  pendant toute son existence,  du fait qu’elle lui a donné la vie et grâce à elle, il contribue à perpétuer la vie et étant donné que c’est sous l’effet magique de son amour que se  forge sa personnalité et son entité psycho-spirituelle . Freud et consorts n’ont-ils pas si brillamment démontré que la femme dont l’homme tombe amoureux incarne, tant soit peu, une image déguisée de la mère ?  Bien entendu et comme nous le voyons dans ce poème,  c’est toujours l’image de la bien-aimée qui occupe la zone conscience du locuteur. Mais si celle de la mère  reste implicite, il n’en demeure  pas moins que c’est elle qui modèle et dirige, au niveau de l’inconscient,  l’activité sentimentale de l’homme. Et la preuve en est que de l’image de celle qu’il aime à l’instant présent,   il se trouve entraîné dans une plongée rétrospective qui l’a mené jusqu’au temps de la création originelle   où ont été façonnés le corps et l’esprit de la première femme , la mère de tous les hommes . D’où la substitution possible et  très aisée ,  l’une à l’autre , des deux allocutaires :bien-aimée / mère  dans la dernière strophe (tu es le noyau de mon existence/ ton souffle est mon vent amniotique/ ton cœur mon centre atomique/ ton amour est la matière de ma vie ). Sur le plan du style ,verticalement ou paradigmatiquement  d’abord ,  le poème a été construit  sous la forme d’une équation (ton corps est le costume de ma vie + ton esprit est le chapeau de ma vie = ton corps et ton esprit habillent ma vie + un développement de ce résultat final )  tandis qu’au niveau horizontal ou syntagmatique , la langue a été fortement poétisée par l’accumulation d’écarts et de sonorités dont n’est exclu,   à peu près,  aucun vers   ( C’est la matière qui façonne le corps/ Une glaise aux filaments de fer multicolores / Terre de pierre/ Sous les flammes de l’enfer /Masse de carbone étiré en long/ Qui se tisse comme un sarong/ Ton corps est le costume de ma vie ). Encore une belle réussite de la part d’un  poète qui allie admirablement la rigueur de la technicité au plaisir de l’écriture.

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