Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :11- Les poèmes de Monique-Marie Ihry :11-6 : Au chant des vagues

Monique-Marie Ihry

 

Viens et prends cette main, allons au chant des vagues
Célébrer notre amour, libérons-nous du temps.
Ensemble et dévêtus profitons de l’instant,
Jetons-nous dans la mer, allons au creux des vagues.

Allons chanter la vie et berçons notre amour
Sur l’onde de flots blonds dans l’horizon d’un rêve
Abreuvons-nous du soir, buvons à notre sève
Enivrons-nous avant que s’achève le jour

Demain il fera nuit car la Terre divague
L’amour sera fini car nous ne serons plus
Et c’est bien regrettable… Il aurait mieux valu
Que la mer continue à jouer de la vague.

Allons chanter la vie et versons notre amour
Dans cette coupe azur aux confins de ce rêve,
Délivrons-nous du soir, acceptons cette trêve,
Enivrons-nous de tout, c’est la mort qui accourt !

 
Dans ce poème de Monique-Marie, Il y a, nous semble-t-il, du nouveau par rapport à ses écrits précédents:une influence bien claire, bien qu’elle soit peut-être  involontaire de sa part,  du grand poète persan Omar Khayyam, celui qui résume sa philosophie dans l’un de ses fameux quatrains en ces mots :

« Puisque tu ignores ce que te réserve demain, Efforce-toi d’être heureux aujourd’hui. Prends une urne de vin, va t’asseoir au clair de lune, et bois, en te disant que la lune te cherchera peut-être vainement, demain. »

Ce à quoi correspond curieusement la conception de la vie chez notre poétesse qu’elle exprime dans la dernière strophe où on trouve les mêmes ingrédients contextuels : ( clair de lune/ soir – une urne de vin/ coupe azur – bois/ Enivrons-nous ) ainsi que le même sens symbolique de cette évasion vers le plaisir de l’instant vécu et l’anticipation des beaux moments avant l’arrivée du jour fatidique où on fera adieu à ce monde :

Allons chanter la vie et versons notre amour
Dans cette coupe azur aux confins de ce rêve,
Délivrons-nous du soir, acceptons cette trêve,
Enivrons-nous de tout, c’est la mort qui accourt !

A la différence, bien entendu, qu’Al Khayyam recommande expressément l’enivrement avec le vin, tandis que notre poétesse propose de se lancer à corps perdu dans la quête de l’extase par l’amour. Ce qui est une différence capitale, car si le vin fait plonger l’individu dans un monde fermé ,l’amour, lui, s’il est partagé- Et ne peut que l’être dans les circonstances décrites par l’auteure – suppose l’existence d’un échange entre deux partenaires donc un monde bilatéral où ne se meuvent que deux êtres en harmonie totale. Et le rêve est là pour pousser la béatitude à l’extrême. D’autre part, un autre élément toujours présent dans l’imaginaire de cette auteure est le retour inconscient aux sources lointaines de la vie représentées cette fois par la mer (mère) (allons au chant des vagues – Jetons-nous dans la mer, allons au creux des vagues), un retour qui trahirait, à vrai dire, un désir camouflé de retourner au paradis perdu qu’est la matrice de la mère. Stylistiquement, le cachet de la poétesse est, comme d’habitude, clair et net : un lyrisme romantique très expressif mêlé à une sensibilité esthétique néo-classique .Un autre joyau Monique !

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