Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :5-Les poèmes de Philippe Correc :5-9: L’étrangère

Philippe Correc

 

 

Elle est montée à la Défense

Se postant près des strapontins

Au milieu du train en partance

Afin qu’on l’entende de loin.

 

Portant un foulard sur sa tête

Et un chemisier blanc brodé

Elle a chanté un air de fête

Puis une chanson pour pleurer.

 

Elle avait la voix envoutante

Qu’on ne pouvait que l’écouter

Elle en devenait émouvante

On était vraiment transporté.

 

On sentait le poids de l’exil

Qu’elle a souffert d’abandonner

Sa famille, pour une presqu’ile

Pays, qu’on lui avait vanté.

 

Mais la réalité est autre

Elle vit auprès de cousins

Qui veulent bien jouer les apôtres

  Si elle ramène un butin.

 

Alors les jours de la semaine

Elle passe de rame en rame

Elle va où les trains la mène

  Dans cette banlieue et Paname.

 

Elle rêve de rencontrer

Un gars bien qui la sortira

De l’impasse où elle s’est jetée

Et peut être l’épousera.

 

En attendant ce beau futur

Elle doit payer son logis

Si vous la croisez d’aventure

Pensez à ce que j’ai écrit.

 

Le rôle du critique objectif est de s’approcher le plus près possible de l’univers poétique ou narratif ou autre d’un( e ) auteur ( e )  donné(e) sans  jamais s’immiscer dans ses convictions esthétiques ou idéologiques ou se poser en juge de ses choix de base ,car il est un fait qu’il existe une multitude de conceptions de l’écriture et que l’important , pour la critique,  est que l’auteur ( e ) excelle dans le texte ou l’œuvre qu’il crée selon les fondements  de la vision qu’il adopte et non  de ceux du critique  qui  le lit .

Partant de ces principes de base , l’écriture poétique de Philippe Correc qui ne nous est pas inconnue  semble  présenter les trois caractéristiques suivantes : la première est la place prépondérante que le rythme y occupe  , au détriment de l’image , la seconde est l’absence ou presque de l’ambigüité sémantique , ce qui élimine tout besoin d’interprétation et la troisième , enfin , est que le poème est puisé directement dans la réalité , conformément à l’idée que la réalité dépasse parfois l’imagination et que l’acte poétique est une chasse perpétuelle des instants fugitifs . Cette longue introduction est nécessaire pour comprendre ce poème  ainsi que tous les autres poèmes de cet auteur . Concernant ce texte-ci , les trois caractéristiques mentionnées ci-devant  y sont très claires : d’abord il n’y a presque aucune métaphore recherchée  et , à l’opposé,  on remarque une fidélité absolue  aux règles du rythme qui s’y trouve respecté de bout en bout par la division du poème en quatrains et l’usage strict des rimes croisées . Ensuite , l’évènement relaté est narré dans une langue simple qui ne prête à aucune équivoque . Enfin , cet évènement de la fille étrangère qui mendie  dans le train  en chantant  , bien qu’il soit  des plus courants dans les métros de Paris ,  a été capté ici par l’œil du poète/artiste sous un angle profondément humain , misant  totalement sur la forte charge émotionnelle qu’il suscite . Ce qui inscrit ce poème dans le réalisme dit humain   dont l’objectif est d’éveiller chez le lecteur les sentiments de compassion et de sympathie et non de provoquer sa contestation comme le vise le réalisme socialiste .Un poème bien écrit dans les normes que son auteur s’est fixées.

 

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