Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :3 -Les poèmes et les récits de Patricia Laranco :3-8 :Le silence

Patricia Laranco

 

Le silence, qui a des profondeurs d’humus…des épaisseurs où s’ensevelissent les jours et les souvenirs

Des senteurs fortes et macérées de champs, de terre, de lisières de bois et de seuil ouvert sur les vents.

Le silence et son pouvoir de coaguler, de tasser, de niveler…de tout accueillir dans son globule, dans son métabolisme.

Le silence. Point d’orgue. Et point d’intersection. Entre le passé rameuté et le présent informe.

Le silence.

Ce petit coussin feutré, gris. Sur lequel on vient s’endormir, poser sa joue.

Le silence. Narcotique.

Ce sédiment. Ce dépôt strate après strate.

Ce varech mou.

Cette gelée qui vous dépose sur des grèves où prend enfin son sens l’épaisseur d’une vie.

Le silence. Arrêté.

Sa stase qui renoue.

Son havre de décantation où l’essentiel, seul, émerge du tamis, et vous fait sourire…

 

La signification du silence a toujours constitué un point de divergence entre les penseurs et les philosophes. Si pour Pindare (poète grec mort en 438), il est le plus haut degré de la sagesse, Bernard Shaw (homme de lettres irlandais mort en  1950) voyait en lui l’expression la plus parfaite du mépris. Il y en a même qui ont établi un lien entre le sens de ce phénomène négatif du point de vue de la physique, étant donné qu’il se définit comme l’absence de son contraire le bruit qui existe matériellement,   et chacun des deux sexes, prétendant de la sorte comme Pierre Daninos (écrivain français mort en 2005) qu’il est la seule chose en or que les femmes détestent. Ce qui veut dire qu’il est au contraire  pour les mâles d’une grande valeur. C’est avec ces idées brouillées que le lecteur de ce poème  essaie d’appréhender la conception propre du silence chez notre poétesse qui nous a habitués à sortir des sentiers battus.Et du coup, nous constatons que la thèse de Pierre Daninos est fausse. En effet,  l’auteure, guidée  par son intuition effilée et sa sensibilité extrême pénètre au fin fond du silence,  le décrit de l’intérieur pour en  tirer à la fin  la quintessence  et la matérialiser sous forme d’images  concrètes  soit visuelles (Le silence, qui a des profondeurs d’humus…des épaisseurs où s’ensevelissent les jours et les souvenirs  – Ce petit coussin feutré, gris. Sur lequel on vient s’endormir, poser sa joue) soit  auditives (point d’orgue)  ou même  olfactives (des senteurs fortes et macérées de champs, de terre, de lisières de bois et de seuil ouvert sur les vents) tout en guettant ses moindres mouvements invisibles (coaguler, de tasser, de niveler…de tout accueillir dans son globule, dans son métabolisme) et le situant avec une grande précision (Et point d’intersection. Entre le passé rameuté et le présent informe). Un texte concis mais très condensé et extrêmement profond.

 

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