Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 4 – Les poèmes de Calli Mondésir: 4-2 : Mal en temps durs

Calli Mondésir

 

La sueur est en crue

Sur le visage des cieux

Car les jours se sont hier fondus

En des coulées de couleurs

Qui refroidissent l’espoir des lieux 

 

Regarder jusqu’à embrasser

La porte qui garde les maux

À la portée des pleurs

Regarder

Ne rien voir

Ni feux ni foulées

Renoncer aux cris pour combattre la douleur

 

Il y a des cœurs

Qui crient déjà l’oppression des bottes

 

Le temps hurle la venue des dernières saisons 

 

Les heures se rassemblent comme un régiment d’illusions

Pour monter les intrigues des instants stériles

 

Moi je garde mes larmes pour le dénouement

Car après le baiser des rideaux

Le dernier mot sera

FIN

 

Il y a grosso modo deux sortes d’approches du texte littéraire : la lecture impressionniste émotionnelle et la lecture scientifique raisonnée .Et étant donné que nous avons toujours choisi de pratiquer la deuxième, il nous faut,  à chaque fois, trouver  une clé adéquate et efficace .Et celle qui nous paraît la plus appropriée ici est la lecture psychocritique, du fait que l’auteur de ce poème nous met dès le titre et en caractères majuscules  (MAL EN TEMPS DURS )   devant un véritable gouffre psychologique .Vu sous cet angle, le poème exprime une tristesse des plus noires .Et ce chagrin visiblement très profond, est loin d’être un état d’âme passager  mais il a, au contraire, toutes les caractéristiques d’une tristesse native ou originelle, donc faisant partie intégrante de l’humeur du locuteur ( celui qui parle) et qui ne peut , pour cette raison, se dissiper ou  faiblir. La premier signe révélateur de ce genre de mélancolie  est son caractère holistique  ou global qui se manifeste  par son envahissement de l’être  humain  y compris le poète  (des cœurs qui crient déjà l’oppression des bottes – mes larmes – les maux – les pleurs) ainsi que  le milieu qui l’entoure et qui s’étend à l’univers tout entier où elle est diffusée aussi bien dans l’espace  (La sueur est en crue sur le visage des cieux – la porte qui garde les maux ) que dans le temps (les jours se sont hier fondus en des coulées de couleurs ,qui refroidissent l’espoir des lieux- le temps hurle la venue des dernières saisons – les heures se rassemblent comme un régiment d’illusions pour monter les intrigues des instants stériles). Ce qui revient à dire que le locuteur baigne dans une tristesse cosmique et permanente englobant l’intérieur et l’extérieur qui se fondent ainsi et se confondent, à tel point que le poète est envahi par un sentiment d’étouffement qui lui fait présager une fin imminente (moi je garde mes larmes pour le dénouement car après le baiser des rideaux le dernier mot sera FIN ). Néanmoins, il ne s’agit, bien entendu, là  que d’une projection de cette tristesse irrépressible sur le monde externe.

Au niveau stylistique, le progrès rapide et palpable que l’auteur ne cesse d’accomplir est étonnant , car sa langue acquiert de plus en plus de luminosité, grâce à l’emploi massif des connotations et des sens seconds  qui lui conférèrent un haut degré de poéticité .Bravo Calli !Tu as fait un pas de géant. Continue sur cette lancée !

 

 

 

 

 

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