Le grand pardon (Extrait V) : récit de : Abdellatif Bhiri –Safi – Maroc

Abdellatif Bhiri

 

Un samedi, en rentrant, mon père me demanda de l’accompagner dans sa ballade au quartier. Je fus à la fois embarrassé et content. Je me voyais mal en compagnie d’une horde de vieux jasant de tout et de rien. Cependant, je fus heureux de ce geste de la part de mon père. En longeant une longue rue grouillante, nous nous arrêtâmes devant la boutique d’un tailleur. Après les formules de politesse, mon père demanda à son ami de prendre mes mesures pour me confectionner un costume. Puis après, ils s’étaient mis d’accord sur le choix du tissu, sans demander mon avis ! Je restais là debout comme une statue. Enfin, nous sortîmes de la boutique. J’étais vraiment content parce que c’était la première fois de ma vie qu’il me serait possible d’enfiler un costume flambant neuf ! Moi qui n’étais habitué qu’aux chaussures de sport et des pantalons « Jeans ». Je m’imaginais déjà rentrant en classe, chez moi, épatant la galerie et surtout les filles !

Le lendemain, mon père m’emmena au souk hebdomadaire, m’acheta des souliers neufs, une chemise et pleins d’autres petits trucs dont j’ai vraiment un souvenir vague, tant l’idée du costume m’envahissait ! De retour à la maison, il m’informa que je retournerai chez moi le lundi suivant.

Comme pour mon arrivée, les préparatifs de mon départ étaient des plus simples : il n’y avait pas grandes choses à préparer ! Un petit tour au coiffeur du quartier et une furtive séance au bain maure et la boucle est bouclée.

Pendant tout mon séjour, nous nous étions parlé à compte-gouttes mon père et moi. J’avais comme l’impression qu’il m’évitait tout en me prodiguant tous les soins paternels. Les heures qui me restaient à ses côtés, je les passais plus auprès de ma belle-mère et ma demi-sœur qu’auprès de lui.

Bref, mes tourments d’avant le voyage s’estompaient peu à peu, même si plusieurs interrogations étaient restées sans réponse. Je n’étais pas encore assez mûr pour lui poser les questions pertinentes qui me chiffonnaient…Mais, j’étais au moins sûr et certain que c’était un homme tendre avec un cœur d’acier. Il était impassible, mais son regard trahissait parfois un amour pour ses enfants qu’il savait perdu, peut-être, à jamais.

Le soir de mon départ pour le retour, mon père m’accompagna à la gare, me donna quelques conseils et de l’argent en me souhaitant un bon voyage. Je lui fis l’accolade et je montai dans l’autocar. J’étais dans les nues, je ne pensais qu’à mon retour le plus rapidement possible, tout imbu et tout fier de mon costume flambant neuf !

 

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