Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :42–Les poèmes de Patrick Berta Forgas :42-1:Les nouvelles primitives (extraits )

Patrick Berta Forgas

 

Le diable

nous regarde

s’acharner à aimer.

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Les rois du nord et du sud

s’arrangent si bien du mal.

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Nous savons tous

que les sables

ne pleurent pas !

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Je pleure

ce que nul

ne fera.

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Le diable

est si nécessaire

au destin des guerres

quand bruissent

les boues de Dieu …

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Ce poème nous met , d’emblée , en face des  deux constantes principales de la poésie de Patrick Berta Forgas : sa  vision pessimiste  sombre de l’univers et de l’entité humaine  et  sa tendance persistante  à masquer le noyau sémantique du poème, de façon à ce qu’il n’apparaisse pas au lecteur qu’après un examen attentif et minutieux .D’abord au niveau de la structuration générale du texte, l’auteur, en le découpant en mini-strophes séparées par des traits horizontaux , comme pour  obliger le lecteur à  appréhender le contenu de chacune d’elles indépendamment de ceux des autres  , établit, à travers elles et au niveau de l’Univers entier,  une hiérarchie colossale, à la tête de laquelle il place  Dieu et tout en bas l’être humain. Et dans ce bas, il élabore une hiérarchie minime, sans doute copiée grossièrement  sur la première, groupant les créatures humaines divisées  en deux classes diamétralement opposées :celle des rois imitant l’Être suprême et le reste des communs des mortels doublement soumis  et écrasés sous ce joug pesant sur eux .Et comme pour donner plus de teinte tragique à la situation de ces humains  , il les met uniquement en contact, sur terre avec leurs oppresseurs et au ciel  avec le Diable  (le diable nous regarde s’acharner à aimer-   le diable est si nécessaire au destin des guerres quand bruissent les boues de Dieu …)  , les privant, ainsi, de la miséricorde de leur Créateur, faisant d’eux des victimes réelles ou potentielles du Mal  et ne leur laissant que les larmes pour se soulager de leur douleur (je pleure  ce que nul ne fera)  .D’autre part, deux  effets  néfastes de ce mal qui concourent parfois ensemble parfois séparément à la dégradation de la situation générale dans le monde ont été mis en évidence :le type oppressif  répressif de l’organisation sociale choisi par l’homme lui-même (les rois du nord et du sud s’arrangent si bien du mal) et les guerres incessantes que provoquent les rivalités entre les rois (le diable est si nécessaire au destin des guerres )  .

Côté style, le poète a  fait éclater, dès le début  le noyau sémantique du poème, viciant son contenu dans l’espace du texte sous forme de faisceaux fascinants entremêlés .Ce qui lui a conféré un haut degré de poéticité .

 

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