Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :40– Les poèmes de Laurent Mourot-Faraut :40-12 :Le besoin de toi…

Laurent Mourot-Faraut

 

Ceux qui nous montrent du doigt,

Ont souvent tort et renversent des verres,

Ceux qui s’éloignent nous espèrent,

Et ceux qui nous rapprochent  nous désespèrent,

C’est ce que dit la vie à ceux qui la croisent,

On s’invente des bijoux pour apparaître,

Des notes qui nous dérangent,

Quelques pas qui s’entremettent,

J’ai besoin que tu reviennes,

Tous les autres ont besoin de fuir,

Pendant que tu t’en vas,

J’ai perdu tes chemins sur d’autres rives,

Quelques mots d’amour qui se détachent,

J’ai besoin de crever pendant que tu t’endors,

Des rimes s’emmêlent sur d’autres doigts,

J’ai changé la place du piano,

Je l’ai posé  sur toi avec des fleurs,

Des caresses et des promesses,

Jusqu’à en perdre la tête,

J’ai besoin que tu reviennes,

Tous les autres ont besoin de souffrir,

J’ai envie que tu reviennes,

Alors j’ai changé de trottoir,

Je suis le roi du monde dans cette jungle-là,

J’ai inventé des vers qui sont partis à pied,

J’ai tant besoin d’y croire en la désespérance,

Où vont les sentiments dans cette bouteille-là,

J’ai envie de te serrer contre moi,

Avant de quitter l’appartement,

De me coincer les doigts dans la porte,

Oublier que c’est toi, jusqu’à devenir fort,

Te chanter une berceuse sur le coin d’un nuage,

Echanger ma guitare avec un ou deux apôtres,

Recommencer à écrire à avoir mal aux doigts…

 

Tout exactement comme dans le poème précédent , le locuteur, amoureux ludique de son état , adopte une stratégie qui lui paraît adoptée  au genre et à l’état d’esprit de la partenaire qu’il veut séduire et qui consiste , cette fois , à procéder  simultanément , sur fond d’une rupture amoureuse unilatérale de cette partenaire ,  à deux amplifications liées l’une à l’autre par la relation : cause  à effet : la surévaluation de la partenaire visée (  le besoin de toi… –   j’ai besoin que tu reviennes  – J’ai envie que tu reviennes – j’ai envie de te serrer contre moi )  et l’exagération des signes maladifs de la passion qu’il  dit lui vouer , ce dont a résulté une construction  autour de deux grands axes  très distincts mais complémentaires . Mais si  le  premier axe tel qu’il a été présenté, a une valeur qualitative plus que quantitative   , le second, lui, et   peut-être parce qu’il est centré sur le” je”  du locuteur, occupe la place la plus prépondérante dans le poème. Quant à sa nature et qui constitue d’ailleurs   la nouveauté dans ce texte par rapport au précédent, c’est, cliniquement , un état de démence proprement dite réunissant tous les symptômes de ce cas pathologique : une perte de la domination psychique  (j’ai besoin de crever pendant que tu t’endors – jusqu’à en perdre la tête ) , des    troubles de   langage  (  où vont les sentiments dans cette bouteille-là ? – échanger ma guitare avec un ou deux apôtres )  , des  troubles Visio-spatiaux (  pendant que tu t’en vas, J’ai perdu tes chemins sur d’autres rives –  j’ai changé de trottoir )  et une  altération  de la pensée logique et cohérente  (j’ai tant besoin d’y croire en la désespérance – j’ai envie de te serrer contre moi, avant de quitter l’appartement, de me coincer les doigts dans la porte, oublier que c’est toi, jusqu’à devenir fort ) . Ce subterfuge a-t-il aussi une chance d’aboutir ? En général oui parce que la plupart des femmes rêvent que des hommes tombent amoureux fous d’elles. Et même s’ils ne répondent pas à leur flamme, elles se sentiront flattées de les voir dans cet état morbide à cause de l’amour qu’ils leur vouent.

En un mot , c’est un poème très attachant , bien ciselé et écrit avec une finesse remarquable .

 

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