Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :39– Les poèmes d’Arezki Hatem:39 -4 : Nomades, sont mes yeux !

Arezki Hatem

 

Nomades, sont mes yeux
Sur la folia de velum très fin,
Roi d’entre les parchemins,
Où les mots sont brodés
Dans la soie, relique de
La perle d’orient,
Ornant dans un jadis fleurissant
Le corps rebelle d’Ipomée ,
Reine de toutes les passions.
Nomades, sont mes yeux
Dans le ciel vierge d’aout,
Dans la mer timidement contrite de mai,
Dans la liberté d’un cheval
Galopant les talents nus
Vers son jumeau en rut,
Prés de pistils et d’étamines
Libertins sous le ciel de juin.
Nomades sont mes yeux
Ici et là, dans les prés et au-loin…

 

L’auteur de ce poème  aborde cette fois la question très importante du regard du poète, le vrai, qui ,selon une croyance très ancienne chez les peuples dont la tradition poétique est millénaire et prospère comme ceux du Croissant fertile( du Nil à l’Euphrate),diffère aussi bien sensiblement que structurellement de celui de l’homme commun, du fait que le « jongleur de mots » voit ce que ne voit pas les autres, surtout pendant le moment crucial et douloureux de l’acte créatif ou, si vous voulez de l’inspiration qui ressemble de très près à celui de l’accouchement. Sans philosopher ou se perdre dans un discours scientifique qui n’est pas le sien, le poète nous livre d’une manière spontanée et directe sa façon de voir le monde et de se voir pendant l’acte de l’écriture. Et ce que nous pouvons déduire de la multitude d’images qu’il a conçues pour faire part de son expérience dans cette activité cognitive est que le regard du poète se caractérise premièrement par sa force de pénétration qui lui permet d’atteindre l’essence des choses, ensuite par une sorte de flair ou de sixième sens qui le pousse à parcourir tous les espaces et les temps en des va-et-vient incessants et à fouiner dans les détails insignifiants, aux yeux des hommes qu’on qualifie de « normaux », ou même invisibles à la recherche d’idées ou d’images insolites ou plus précisément ,selon le terme des poéticiens, d’«écarts éblouissants » , ce qui lui vaut d’être considéré comme le quêteur de sens par excellence qui ,grâce aux fruits de ses investigations sans relâche , s’embellit la langue et s’enrichit d’expressions nouvelles .Sur le plan du style, le poète, soucieux de précision, a usé d’un lexique comportant des mots quelque peu rares tels que « folia » ( nom féminin : Danse portugaise qui s’apparente à la chaconne ou à la passacaille, et dont le thème, très connu sous le nom de folie d’Espagne, a donné matière à de nombreuses variations ), « Ipomée » (plante grimpante de la famille des convolvulacées comportant une centaine d’espèces . Littéraire. Objet témoin du passé auquel on attache le plus grand prix), « pistil » (organe femelle d’une fleur).

Un autre poème réussi ,ce qui lui a valu d’être sélectionné ici et commenté. Bravo Arezki !

 

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