Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :12 – Les poèmes de Fatima Maaouia :12 -15:Printemps en herbe

Fatima Maaouia

 

 

Où je peux le trouver encore

Fierté de printemps en herbe, ce jasmin

Laid, sans parole et sans moustaches??

 

Après avoir fendu gel et  pierre

Et  poussé en plein hiver 

Le vilain  m’a tourné le dos sur le terrain

Et  du jour au lendemain

Son parfum s’est   transformé en  venin,

 

Je l’ai aimé si fort

Croyant de tout mon cœur en l’or

Pur de son chant puissant, juste et sonore

Qui jamais pour les autres ne fait faux bond ou ne dort

 

Et il m’a joué un si mauvais  tour

 

La vache!

Où se cache

Enfin

Ce jasmin

Qui fâche

Et veut enterrer à jamais

Rêve et espoir sous une bâche???

 

En vérité ,  j’aurai dû ne pas avoir de cœur

Et l’éviter

 

Mais je l’ai aimé

 

Quelle erreur!

 

Il a pris mon cœur

Hébété et l’a habité

 

J’ai  aimé si fort, si fort

A la vie à la mort

 

Comme une affamée

Je l’ai aimé

Ce brin  de jasmin pas plus haut que trois pommes

Il représentait le Jour

 

Et en retour

Moi qui lui faisais la cour

Il  m’a bloquée pour utilisation abusive de la fonction ‘j’aime’

 

Il  était tout ce que j’aime

 

… En vérité …

Il était Vérité:

Du  cœur et de l’esprit de chaque  femme

Et de chaque  d’homme

 

  Jasmin vain

 Devenu venin

 

C’est l’une des rares fois  que je lis un poème aussi court de notre poétesse tuniso-algérienne qui s’est spécialisée  et distinguée,  à vrai dire aussi , depuis longtemps dans les poèmes ultra-longs qu’elle manie avec une facilité et une finesse stupéfiantes ,  tellement le souffle manque aux poètes contemporains pour en faire autant . Il ne s’agit probablement que d’un écart momentané qui lui a été imposé par le thème abordé et surtout par  son état d’âme d’artiste à fleur de peau  qui a trouvé du mal à supporter  l’échec d’une révolution qu’elle croyait au début salvatrice et porteuse d’espoir pour toute une génération assoiffée de liberté et d’émancipation . Pourtant,  plusieurs indices laissaient présager le contraire,  à commencer par l’acclamation du congrès américain et l’intervention de l’OTAN dans la Libye voisine qui dévoilaient le programme des USA dans la région et dans tout le monde arabe   . Enfin, le fait est là. La désillusion de la  poétesse était d’autant plus douloureuse   qu’elle s’était jetée corps et âme  dans l’édification de châteaux de rêves  sans le moindre doute sur leur prochaine concrétisation. Mais si cette déception est profonde et amère, elle a  généré au niveau du style et comme toujours grâce aux capacités créatrices de l’auteure, un texte poétique finement  ciselé construit autour de la double  métaphore  du jasmin et du printemps qu’on a utilisée au début pour qualifier la dite révolution avant de l’abandonner de plus en plus après qu’elle a dévoilé sa véritable nature. Et de cette métaphore principale, elle a produit toute une série de métaphores secondaires pour décrire le volte-face de ce jasmin personnifié en un amant trompeur et infidèle . Sur le plan sonore et typographique et comme pour suggérer  le caractère trouble et changeant  du jasmin , le rythme utilisé  oscille entre l’accélération  par  l’émission de suites de vers très courts (  La vache! /  Où se cache / Enfin / Ce jasmin / Qui fâche) et le ralentissement par l’allongement de certains vers (Il  m’a bloquée pour utilisation abusive de la fonction ‘j’aime’ ) .

 

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