Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :32–Les poèmes de Mohammed Derkaoui : 32-6:instincts salutaires

Mohammed Derkaoui

 

Un regard traquant

Surprenant

Paralyse mes paupières

Pour un long voyage

Dans l’arrêt du temps.

 

Attirée par cette envie

Atténuée par une profonde

Timidité

La maturité de mon esprit

Se laisse emporter

Par ses rayons

À la fois doux et tourmentés.

 

Est-ce un coup d’œil attristé

Qui cherche où s’abriter ?

Un cœur agonisant

En quête d’un confident ?

Ou juste un souvenir

Qui s’égare un instant ?

 

Comme une foudre

Qui n’attend pas la saison

Tant de réponses

Tant de questions

Inhibent ma raison

 

Combien de fois

Devrai-je passer

À côté de mes émois ?

Ou devrai-je dire :

Ignorer cet éclair noir

Qui perce et persiste

Dans ma mémoire ?

 

Combien de fois

Devrai-je porter la djellaba

Couvrir ma tête

Et ne voir qu’en bas ?

Mon corps se réchauffe

Il n’y a aucun doute

Mon cœur et mon esprit

Tellement enveloppés

Qu’ils ne cessent de s’apostropher.

 

Un jet de lumière

Frôle le sédentaire

M’invite à errer

Avant de ciller

Avant qu’interfèrent

Songes et réalités.

 

Voici un poème d’un genre peu commun  où son auteur ne se contente pas de porter son regard sur le monde et les choses et laisser aux récepteurs qu’ils soient auditeurs ou lecteurs le soin de l’interpréter mais il se plaît de l’interpréter lui-même, ce qui revient pratiquement à se confier la tâche très délicate de porter un regard analytique sur son propre regard, une tâche qui revient normalement au psychologue ou au psychocritique .Néanmoins, rien n’est plus étrange en poésie à notre époque où cet art ne cesse de faire tomber toutes les barrières que ce soit au niveau du style ou  des thèmes . Essayons à présent de traduire la démarche suivie par le poète dans cette approche et les constatations auxquelles elle a abouti .Son point de départ a été le désir de savoir quelle est la part de chacun des deux hémisphères de son propre  cerveau dans sa manière de regarder le monde réel   : l’hémisphère  gauche qui abrite l’intellect ( esprit  – ma raison – réalités)  et le droit où  siègent les émotions (profonde timidité – attristé – cœur agonisant- errer- Songes) , sachant que chez les poètes philosophes , c’est l’activité  du premier qui prédomine tandis  que l’influence de l’autre est la plus prononcée chez les poètes lyriques et engagés .Qu’en est-il alors  chez  notre poète selon les propos qu’il nous tient dans ce texte ? Il se situerait  tout  juste au milieu (mon cœur et mon esprit tellement enveloppés qu’ils ne cessent de s’apostropher – interfèrent songes et réalités ), grâce , sans doute, à une intervention proche des deux moitiés, une disposition mentale et intellectuelle idéale qui lui permet de transcender les conditions classiques des genres établies par les différentes écoles artistiques et littéraires pour se forger son propre univers poétique .

Un poème d’un genre nouveau qui, tout en surprenant le lecteur averti, l’enchante  et le séduit.

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