Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 26–Les poèmes de Gaëtan Parisi : 26 -28:Lettres mortes

Gaëtan Parisi

 

J’ai raturé 

L’histoire de mes mots

Mots d’amour, troubadours 

J’ai gratté

Sur les cahiers imprimés

Mes mémos très glamour

Susurrés à demi-mot. 

 

Déprimé

J’ai déchiré mes pensées

J’ai pansé les rivières d’encre 

Dégoulinantes

Abondantes

Que mon cœur burinait   

Sur la pierre de ton cœur

 

J’ai raturé 

Les mots de mon histoire

Pour refondre ma mémoire 

Pour devenir l’ombre de ton espoir 

Le vent du souffle de tes paroles

Eole

Pour une dernière farandole 

 

J’ai relié   

Ton livre extraordinaire

Avec du fil d’or

J’ai colorié 

Les images de ton vocabulaire

Mon seul trésor 

Et je me suis incrusté 

Sur le vide de tes pages 

Entre les lignes de ton alphabet

Mais tu as oublié notre écriture

Pour composer une autre signature 

J’ai posté un ultime pamphlet 

Dans une boîte aux lettres mortes

Et j’attendrai ton passage

Jusqu’à ce que “l’amour”

M’emporte 

 

Le principal enseignement que nous tirons de ce nouveau poème de Gaëtan  Parisi, le chantre , par excellence, de la rupture amoureuse est que ce genre de drame malgré la douleur qu’il occasionne ne donne pas nécessairement toujours lieu au désir de vengeance ou, au contraire, à l’acceptation du fait accompli mais il peut, dans certains cas , comme il est question ici ,raffermir les liens sentimentaux qui rattachent l’amoureux à l’aimée bien qu’elle l’ait délaissé et humilié. Et cela ne se passe , bien entendu , que lorsque la flamme qu’il lui voue est authentique et inéteignable .Et puisqu’il s’agit ici de ce genre d’amour, voici, déjà  , un premier écart qui illumine,  dès le début ,l’horizon d’attente du récepteur  et que le poète renforce à fond par l’usage massif de l’identification  qui consiste à emprunter un représentant concret ou abstrait à l’existence expressive d’un objet donné,  au point de tourner au fétichisme   ( devenir l’ombre de ton espoir,   le vent du souffle de tes paroles – je me suis incrusté  sur le vide de tes pages entre les lignes de ton alphabet ).*

Un autre procédé a contribué aussi vivement à accentuer l’effet esthétique de ce poème, c’est de l’avoir commencé par feindre une crise dépressive résultant du choc de la rupture (j’ai raturé – j’ai gratté- déprimé- j’ai déchiré – les rivières d’encre  dégoulinantes abondantes que mon cœur burinait   sur la pierre de ton cœur )  avant de dévoiler ce subterfuge au lecteur ( J’ai raturé/les mots de mon histoire/ Pour refondre ma mémoire/ Pour devenir l’ombre de ton espoir )et passer tout de suite du sombre au lumineux et  de l’hostile à l’agréable  (espoir  – farandole –extraordinaire – or – colorié – trésor).Et ce jeu subtil et raffiné n’a pas cessé pour autant dans cette phase avancée de la rupture amoureuse  , car le poète a projeté  dès le début  de finir son texte avec le même ton ténébreux qu’il l’a commencé (J’ai posté un ultime pamphlet/ Dans une boîte aux lettres mortes). Enfin, ce poète vient de nous a démontrer pour l’ énième fois que le fait qu’un auteur reste dans le même thème ne  l’empêche point  d’innover .Une très bonne mention pour ce poème Gaëtan !

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