Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 26–Les poèmes de Gaëtan Parisi : 26 -17 : Sous le déluge l’océan tangue

Gaëtan Parisi

 

Folle détresse

D’un manque atroce

J’étouffe dans ce désert

Sous ce lourd vide austère

Ton absence ruine mes  forces

Sous le déluge, l’océan tangue

 

Tes  mots s’effacent

Le temps rature tes lettres sur les deux faces

L’encre s’étale et laisse des traces

Sur mes espoirs le noir prend place

Sous le déluge, l’océan tangue

 

Que serait le bonheur sans son contraire

L’ambition sans les obstacles

La certitude sans la prière

Je m’accroche à des oracles

Quelles valeurs ont les miracles

Vivre guerre et paix au même instant

Simultanément

Prendre la  route dans les deux sens

Dans les mêmes circonstances

Avoir tant de joie et de la désespérance

Sous le déluge l’océan tangue

 

Je marche au péril de l’équilibre

Pourtant libre

Le soupir du monde se camoufle

Je cherche ton souffle

Pour que mon cœur sur ton rythme

Vibre

Sous le déluge, l’océan tangue.

 

Notre demain, est une chanson depuis hier

Contradictoire mais si claire

Nous survivrons à tous les enfers

C’est le refrain de ce nouvel air

Danse avec moi

 

L’amour est un navire

Une mort en devenir

Que l’on voit partir et venir

Vers l’horizon basculer

Où le firmament s’est renversé

Aux antipodes on le voit se relever

Se rapprocher

Son mât à nouveau pointer

Et renaître sans s’être  effacé

Le voilà

Sous le déluge, l’océan tangue

 

Si ce poème frôle dans certains passages le questionnement existentiel (folle détresse/d’un manque atroce/ j’étouffe dans ce désert/ sous ce lourd vide austère…), il demeure  essentiellement psychologique ou, en termes littéraires, lyrique c.à.d. centré sur les états d’âme du Moi du poète. Et ces états d’âme se résument, ici ,  en une forte perturbation émotionnelle engendrée par  une rupture amoureuse (ton absence ruine mes  forces/ Sous le déluge, l’océan tangue ) qui est le thème le plus récurrent dans les écrits de cet auteur  et constitue l’une des spécificités de son expérience poétique . Et comme tous les états de troubles émotionnels causés par ce genre de choc, trois composantes de la psyché du sujet concerné  se trouvent violemment ébranlées. D’abord, la composante affective  est grièvement affectée par le fait de ne plus se sentir  aimé (Tes  mots s’effacent/ Le temps rature tes lettres sur les deux faces/ L’encre s’étale et laisse des traces/ Sur mes espoirs le noir prend place) . Ensuite, l’altération de la représentation de soi  qui est une composante cognitive, par l’obstruction de tous  les horizons autour du Moi  et son tiraillement entre d’inextricables contradictions (Je m’accroche à des oracles/ Quelles valeurs ont les miracles/ Vivre guerre et paix au même instant/ Simultanément/ Prendre la  route dans les deux sens/ Dans les mêmes circonstances/ Avoir tant de joie et de la désespérance/ Sous le déluge l’océan tangue ). Enfin la composante comportementale qui est  en est aussi  sérieusement altérée  (Je marche au péril de l’équilibre pourtant libre/ Le soupir du monde se camoufle/ Je cherche ton souffle) . Mais l’amour est tellement fort pour que le  poète baisse pavillon et rende les armes. Et contre toute attente et comme par enchantement, l’espoir renaît et  les horizons se dégagent de toutes les brumes  ,  permettant au cercle vicieux  de se poursuivre  à notre grande satisfaction, car nous aurons droit à savourer d’autres poèmes d’aussi haute qualité .

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