Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 25–Les poèmes de Philippe Lemoine: 25 – 10 : Sur l’ardoise des toits…

Philippe Lemoine

 

Sur l’ardoise des toits…
Le long d’une gouttière, un félin téméraire
Apprivoise le vide, avance à pas feutrés.
Sur l’ardoise des toits, l’équilibre est précaire.
Elfes évanescents, maints souffles éthérés
Divaguent. Cristallin, le visage lunaire
Des choses déambule. Ondoyante clarté,
Sur le fil lactescent une ombre solitaire
S’effeuille et se dévoile en toute intimité.
Essence de parfum, sous un galon de brume,
Inscrite en demi-teinte, une empreinte au fusain
Ondule vaporeuse. Une sirène brune
Offre une silhouette à mon rêve incertain.
Froissements de draps blanc sur le lit d’une étoile,
Le temps se cristallise en larmes de grésil,
Il neige sur mon cœur, soudain la nuit se voile ;
Il n’est d’autre départ que celui de l’exil…

 

La meilleure clé pour bien lire ce poème est peut-être de diriger notre attention vers les effets des deux facultés ( ou compétences ) que l’auteur a mis essentiellement en œuvre pour décrire ce paysage pittoresque apparemment villageois :l’imagination et la sensibilité .Et il en a eu, sans doute, recours parce que la stratégie qu’il s’est tracée, dès le début, est de dégager à fond les connotations qu’évoquent les détails contenus dans ce paysage et non de brosser un tableau figuratif imitant le réel .Et étant donné que les dites facultés relèvent de l’hémisphère droit du cerveau , celui de la subjectivité , le résultat final est un tableau à deux niveaux superposés :l’un, le plus proche du lecteur, regroupe toutes les images que le poète a conçues et qui relèvent d’un mélange de réel et d’irréel (un félin téméraire apprivoise le vide, avance à pas feutrés – elfes évanescents, maints souffles éthérés divaguent – une sirène brune
offre une silhouette à mon rêve incertain –
froissements de draps blanc sur le lit d’une étoile ) et l’autre, de type psychologique, nous offre un intérieur tiraillé aux prises avec des affects contradictoires :tristesse, inquiétude , phobie et doute d’un côté (apprivoise le vide – l’équilibre est précaire. – une ombre solitaire – offre une silhouette à mon rêve incertain s’effeuille ) et clarté et plaisir de l’autre ( ondoyante clarté – essence de parfum ) mais dont la confrontation finit en faveur des premiers nommés (Il neige sur mon cœur, soudain la nuit se voile ; Il n’est d’autre départ que celui de l’exil), révélant ainsi une âme profondément romantique et hypersensible.

UN poème finement écrit et bien ciselé aux deux niveaux des images et du rythme.

 

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