Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :15 – Les poèmes de Mithaq Karim Al Roukabi :15 –1 : Du fond de l’obscurité ton spectre vient à moi…

Mithaq Karim Al Roukabi

 

 

Du fond de  l’obscurité ton spectre vient à moi …

S’enroule autour de mon être

Comme une prière pleurant un dieu perdu

Et ton nom …est une patrie de safran…

Veillant  dans ma mémoire.

La langueur de l’impossible …

Et l’obscurité des distances

Ne brisent  jamais les cruches de la nostalgie…

Ö…Moi !

Sur l’épaule de mes années …j’ai gravé ton visage

Avec l’odeur du limon

 

Ce qui caractérise tout particulièrement l’Amour avec  un grand A est sa vastitude infinie , sa profondeur insondable , sa complexité inextricable et  son mystère irrésoluble,  d’où  les possibilités illimitées qu’il offre aux poètes et autres artistes de puiser dans leur âme et esprit  toutes  les ressources émotionnelles, imaginatives et intellectuelles dont ils disposent pour essayer de  le dépeindre. Néanmoins,  la réussite dans cette tâche n’est garantie que si l’on jouit de vrais  dons créatifs,  comme nous le constatons dans ces vers où l’auteure, héritière du  prestigieux patrimoine culturel spirituel et mythologique de l’ancienne Mésopotamie, l’Irak d’aujourd’hui, , exploite à fond ses capacités imaginatives hors pair et sa sensibilité aiguisée pour exprimer  la passion qu’elle voue à son bien-aimé. Jetons un regard rapide sur la stratégie qu’elle s’y est tracée et les procédés dont elle a fait usage . L’amour dont elle fait part est, selon ses dires,  bien ancré dans sa psyché, du fait qu’il est solidement lié à l’image de l’amant au fond de sa mémoire (ton nom …est une patrie de safran… veillant  dans ma mémoire  – sur l’épaule des années …j’ai gravé ton visage ) ainsi que dans son inconscient (l’obscurité ) . Et c’est ainsi que  lorsque cette image surgit, l’amour surgit avec elle et l’envahit  ( du fond de  l’obscurité ton spectre vient à moi … s’enroule autour de mon être ).Sa première dimension est donc psychique à laquelle on  peut  ajouter  une  deuxième, cette fois mythologique et religieuse  (comme une prière pleurant un dieu perdu ) et qui lui est étroitement liée. Cet ancrage dans le tréfonds est bien entendu synonyme d’enracinement, de persistance et de pérennité .Et  voila que nous est dévoilée la nature éternelle de cet amour,  à l’instar de l’amour que portait la déesse Ishtar pour le dieu Tammouz,  en plus de son caractère fusionnel (  Ö…Moi ! Sur l’épaule des années …j’ai gravé ton visage ), vu que moi et toi font , ici,   un .Et c’est cette union spirituelle qui explique la résistance de ses sentiments  à toute épreuve (la langueur de l’impossible … et l’obscurité des distances  ne brisent  jamais les cruches de la nostalgie…) .Il en ressort, à la fin ,  que la qualité première de ce poème est sa haute condensation sémantique  qui a permis à la poétesse  d’exprimer une multitude de sens en peu de mots .Et c’est là l’une des caractéristiques de l’écriture poétique de cette auteure qui s’est spécialisée dans le genre amoureux .

 

 

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