Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :2 -Les poèmes d’Alain Minod :2-14: L’humanité hantée par la nuit

Alain Minod

 

A demi ployées sous la fente de la lumière –
Au bord d’un grand champ d’ombres –
Lentes se penchent nos voix
Percluses de silence

Elles percent le temps du monde :
Ces guerres qui n’affranchissent pas les cœurs
Et leurs tintamarres escamotent
Les plaies sous des masques

De là qu’Ici tremble la paix
Ignorante et blafarde –
L’Histoire a déjà
Tout joué
Jusqu’à l’ultime temps
Des enclumes où se broie
Le bon droit

Ici ont pleuré les arbres vermeils –
Où a-t-on mis leur savoir
Pour qu’ils ne touchent
Leur lune d’été
Masquée par
Des nuées
Orageuses

Viens ! Tempête exorciser notre indifférence
Allume tes chalumeaux pour souder
Des liens d’Humanité

Aux rangs dispersés – hantés par la nuit –
La faconde des monstres répond
Par les orchestrations
De l’obscur

Tous les horizons semblent hachés
Par les dents voraces
Qui rançonnent
En les mordant : les étoiles
Pour qu’elles disparaissent

O Temps inféconds
Qui bâtissez des paix hirsutes
Où les balais s’essaient
A nettoyer l’espoir
De toutes les
Scories d’amour

O Frères dans les recoins où
Les poussières d’encre
Tentent encore
De reconduire
A travers le poème
Des succédanés
De joie –
Ramassez – Relevez les grains
Pour les semer jusque
Dans les champs
D’ombres

Sévissent les massacres
Dans les sillons de
La liberté

Il n’y a pas d’outre- barres bétonnées
Qui ne soit misère et mort
Même si là s’engrangent
Les liens inconfigurables
Des peuples
C’est là
A travers des chaînes sanglantes
Que leur Humanité
Est séparée
De la seule paix qui vaille :
Celle où ses voix
Soufflent et
Respirent
Dans la lumière :
La Justice comme pour tout
Arbre du savoir

 

Ce poème aborde le thème très actuel de l’agressivité, cette méchanceté innée ou héritée de l’animal de dont est chargée l’âme humaine et  à laquelle on impute la cause profonde du phénomène destructeur et meurtrier de la guerre dont le monde n’a jamais cessé d’être menacé .Et même si le spectre de la guerre semble parfois s’éloigner, il ne s’agit que de fausses paix ( ô temps inféconds qui bâtissez des paix hirsutes où les balais s’essaient à nettoyer l’espoir de toutes les scories d’amour) pour jeter la poudre aux yeux. Nous avons donc affaire à une sorte de malédiction dont est frappée l’espèce humaine .Mais si le thème n’est pas nouveau, ni même l’évocation par l’auteur de l’inefficacité du Savoir humain face à cette folie dévastatrice et sanguinaire ( Ici ont pleuré les arbres vermeils , où a-t-on mis leur savoir pour qu’ils ne touchent leur lune d’été masquée par des nuées orageuses ? ), la façon dont il s’est pris pour le traiter esthétiquement est, en revanche, très fignolée . Et cela se constate dans l’organisation bien structurée de l’ossature du poème et dans le façonnage très fin des images qui ont été toutes générées à partir d’une dualité unique et constante : obscurité/lumière et en usant presque d’une même technique :l’abstraction du concret et/ou la concrétisation de l’abstrait( les voix sont ployées sous la fente de la lumière – leurs tintamarres escamotent les plaies sous des masques – des enclumes où se broie le bon droit – les balais s’essaient à nettoyer l’espoir de toutes les scories d’amour ).Ce qui constitue le point fort du poème .En un mot, un autre poème élaboré avec un style inimitable. Ce qui est le propre des vrais créateurs !

 

 

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